Liban : Inquiétude de la France et des Etats-Unis après la démission de Hariri

Si la démission de son poste de chef de gouvernement de Saad Hariri, survenue mardi, répond à une des revendications du mouvement à la fois de protestation et de contestation en cours au Liban depuis deux semaines, il n’est pas évident en revanche que ce soit là ce qu’il y avait de mieux à faire pour ramener le calme dans le pays. On ne peut même pas exclure que cette décision ait au contraire le même effet que de l’huile jetée sur le feu – en l’occurrence un feu qui certes était en train de prendre mais qui n’étant qu’à ses débuts pouvait encore être maîtrisé.

Au moment où ces lignes sont écrites, le président Michel Aoun n’a toujours pas fait savoir quelle suite il entendait lui donner. Cependant on voit mal ce qu’il pourrait faire d’autre sinon, quoiqu’à son corps défendant, abonder dans le même sens, c’est-à-dire appeler à de nouvelles élections, et en attendant demander à Hariri, ou à quelque autre personnalité, de former un gouvernement provisoire pour expédier les affaires courantes. Les partisans de Michel Aoun comme ceux du Hezbollah et du mouvement Amal se sont prononcés à la fois contre la démission du gouvernement et contre la tenue de nouvelles élections.

Les premiers ont organisé des marches de soutien au président de la République, et les autres sont descendus dans la rue, quelques heures seulement avant l’annonce de la démission de Hariri, pour déloger par la force dans le centre de Beyrouth les protestataires campés sur les places publiques depuis des jours. La classe politique libanaise se divise donc déjà en deux camps, d’autant plus marqués qu’ils épousent les mêmes lignes de clivage qu’auparavant.

Alors que les Etats de la région les plus influents au Liban, l’Arabie saoudite et l’Iran, se confinent dans le silence par rapport à ces événements, la France et les Etats-Unis se sont rejoints pour exprimer leur inquiétude quant aux conséquences funestes que ceux-ci peuvent avoir. Les Français, par la bouche de leur ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ont considéré que la démission de Hariri loin d’atténuer la crise l’aggrave au contraire.

Pour leur part, les Américains ont appelé à la formation immédiate d’un nouveau gouvernement, semblant craindre par-dessus tout que le vide créé par la démission ne s’installe, ce qui alors achèverait de déstabiliser le pays. Cette inquiétude commune aux Français et aux Américains ne semble toutefois pas partagée par la rue libanaise, qui au contraire a retenti, du moins à Beyrouth, de vivats à l’annonce de la démission de Hariri.

Reste que cette dernière n’est qu’une partie des revendications pour lesquelles elle s’est soulevée. Ce qu’elle demande, ce n’est en réalité ni un nouveau gouvernement ni de nouvelles élections, mais le départ de toute la classe politique et par là même la fin du régime du partage des responsabilités sur une base confessionnelle.

Elle-même est sur une ligne révolutionnaire, à ce qu’il semble toutefois, car il faut attendre pour voir ce qu’il en est réellement à cet égard. Pour le Hezbollah comme pour Amal, organisations d’obédience chiite, non seulement ce mouvement n’est pas révolutionnaire, mais il est à la solde de l’étranger.

De leur point de vue, ce serait donc le contraire d’un mouvement révolutionnaire. A elle seule cette divergence n’annonce rien de bon pour le Liban, un pays déjà au bord de l’effondrement économique.

Le Jour d’Algérie, 31 oct 2019

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