Algérie : Le forcing du pouvoir

Le projet de loi sur les hydrocarbures poursuit le cheminement que lui ont tracé ses initiateurs. Ces derniers, et sans accorder la moindre attention aux voix discordantes, qui se sont élevées dans la rue et parmi les experts en matière énergétique, semblent déterminés à faire un texte, qui n’arrête pas de nourrir la colère populaire.

Après avoir atterri, hier, sur le Bureau de l’APN, pour un premier examen, le document a été transmis, le jour-même, à la Commission des affaires économiques, de l’industrie, du commerce et de la planification. « La réunion, tenue par les membres du Bureau de l’APN, a conclu au transfert des projets, parvenus au niveau de cette instance, aux commissions habilitées. Il s’agit des projets de loi sur les Hydrocarbures, et le texte fixant la relation entre les militaires à la retraite et la politique », a confirmé, hier, le vice-président de l’APN.

Ainsi, la Commission va entamer, dans les plus brefs délais, l’examen des dispositions et procéder à l’audition du ministre de l’Énergie et les spécialistes dans le domaine. Si l’avis du ministre est plus qu’acquis, celui des spécialistes l’est moins. Un grand nombre d’entre eux n’avaient pas manqué d’émettre des réserves, quant à l’opportunité d’une telle loi. Seront-ils sollicités par la dite Commission ? Abdelmadjid Attar, qui est considéré à juste titre comme un avis autorisé, sera-t-il appelé par cette Commission, malgré le fait qu’il soit un partisan déclaré du report de ce texte ?

L’ancien PDG de Sonatrach avait estimé auparavant qu’il aurait fallu reporter l’adoption de cette loi. « Nous sommes, en d’autres termes, dans une situation politique qui aurait dû conduire au report de l’approbation par le gouvernement de ce texte.

En d’autres termes, ce gouvernement provisoire ne devrait pas engager l’Algérie sur le long terme », avait-il affirmé, dans une déclaration publique. La Commission de l’APN va-t-elle donc s’ouvrir aux voix discordantes, ou s’obstinera t-elle à s’enfermer dans la logique du fait accompli, en procédant à des invitations sélectives, avant de soumettre le texte au vote des députés, en séance plénière ?

Au vu de l’accélération de la procédure, porte à croire que le texte finira par être adopté, malgré l’illusion, née des réserves exprimées par le FLN et le RND, les deux formations formant la majorité parlementaire.

Le RND, dont le secrétaire général par intérim, Azzedine Mihoubi, est candidat à l’élection présidentielle, avait estimé dans un communiqué que « rien ne justifie l’application de ce texte dans l’immédiat ». Cette position sera-t-elle traduite par un non, le jour du vote, ou ses députés vont s’aligner docilement sur l’implacable logique des décideurs ?

Si en 2005, le texte proposé par Chakib Khelil a fini par être retiré par Bouteflika, pour des raisons obscures, qui pourrait intervenir aujourd’hui, pour stopper la procédure, jusqu’à nouvel ordre ? Abdelkader Bensalah ? Rien n’est moins sûr. Sollicité par TSA, afin d’exprimer son avis, Saïd Beghoul, un expert pétrolier est allé au-delà de la question de l’opportunité du texte. Selon lui, « qu’elle soit inopportune ou pas, cette loi ne réglera pas les problèmes que traverse notre industrie pétrolière », a-t-il asséné, en ajoutant que « cette loi ne va drainer, éventuellement, que quelques modestes compagnies moins importantes que Sonatrach ». La « balle est maintenant dans le camp des députés.

Mohamed Mebarki

L’Est Républicain, 21 oct 2019

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