Nos amis les rois ou les vacances du pouvoir

Par Jean Lévy

La presse, les médias viennent de « découvrir » les voyages de rêve, entrepris par nos gouvernants « au frais de la princesse », invités par rois et dictateurs africains ou, à défaut, par de riches chefs d’entreprises complices.

Comme si la pratique n’était pas ancienne et partagée, sans état d’âme, par les ténors de la majorité comme de l’opposition.

La chose n’est pas nouvelle.

Chacun se souvient du brûlot écrit par Gilles Perrault, en 1990, « Notre ami le Roi », dénonçant les connivences entre de nombreux hommes politiques français, de droite comme de gauche, et Hassan II, à l’époque, le souverain du Maroc.

Rien n’avait changé depuis.

Surviennent les soulèvements populaires de décembre et janvier dernier, visant Ben Ali en Tunisie, puis Moubarak, en Egypte.

La misère des peuples, soumis à la répression sauvage exercée par les régimes totalitaires, mis en place par les puissances occidentales, n’avait pas, jusque là, ému les dirigeants de celles-ci. Des palais de Marrakech, de d’Assouan ou de Monastir, ils se refusaient d’entendre le cri des suppliciés. *

On faisait « ami-ami » avec les despotes.

C’était le bon temps. **

De simples évènements « people » pour les médias.

Ceux-ci « ignoraient »-ils alors la torture érigée en système, le sang qui coulait dans les commissariats, les prisons sordides où croupissaient les opposants tant à Tunis, qu’au Caire et toujours à Rabat. ***

Black-out total à la télé, à la radio, et dans nombre de grands journaux sur le quotidien répressif dans ces «pays enchanteurs» où «il faisait bon vivre».

Et aujourd’hui, il a fallu le soulèvement populaire des Tunisiens comme des Egyptiens pour que caméras et micros soient braqués sur leur colère et sur leur révolte.

Mais le silence médiatique est toujours aussi épais sur le sort des Marocains, ceux-ci n’ayant pas encore rejoint la cohorte des peuples soulevés.

Les vacances dorées de nos ministres – comme de notre Président- invités d’honneur des satrapes aujourd’hui honnis, font scandale, car nos « élites » n’ont pas compris que les temps avaient changé.

Et que les Etats-Unis misaient maintenant sur d’autres chevaux.

C’est ce « décalé » qui choque nos médias, pas la longue compromission du monde politique français avec des régimes corrompus et sanglants.

NOTES :

*« Si vous repreniez la liste complète de tous ceux qui ont été reçus par le roi du Maroc – pas l’actuel, mais son prédécesseur – pour combien de temps, et dans quelles conditions, vous verriez passer toute la galaxie, ou à peu près, de la vie politique française »

Robert Badinter, sur CANAL +, mardi 8 février 2011

** « La Mamounia, l’un des plus célèbres palaces , propriété de l’Etat marocain, a depuis plusieurs années, accueilli, au frais le plus souvent de la famille royale, des personnalités de droite et de gauche… »

Le Monde Jeudi 12 février 2011, qui cite, entre autres, Jacques Lang, Philippe Seguin, les époux Chirac, (qui) « n’ont, là non plus, jamais payé la moindre facture, le roi Hassan II, puis son fils Mohamed VI ayant toujours fait prendre en charge leur séjour par l’Etat marocain » Noël 2010 compris

*** « Ce Noël 2010, lorsque l’ancien ministre de la défense Hervé Morin a débarqué à l’hôtel Es Saadi de Marrakech avec dix-huit membres de sa famille, il a croisé en arrivant Brice Hortefeux. L’endroit est superbe. Huit hectares, des villas privées avec piscine (;;;) non loin de …Nicolas Sarkozy, lui-même invité à Marrakech, avec son épouse Carla Bruni, et l’un de ses fils, dans l’une des résidences du roi Mohammed VI. Déjà, en 2009, à la même époque, le président de la république avait séjourné pour quelques jours de vacances en famille à la résidence royale de Jnane Lekbir, à trois kilomètres de Marrakech » ;

Le Monde Jeudi 12 février 2011

IL FAUT LIRE

« Notre ami le roi », Gilles Perrault

( Livre )

Collection Folio Actuel

1998, 378 p., 7.93 euros

Première édition : 1990

ISBN : 2070326950

Source : Canaille Le Rouge, 10 fév 2011

Tags : Maroc, Notre ami le roi, Gilles Pérault, La Mamounia, Lobbying, France, Hassan II, répression, Printemps Arabe,