Un autre samedi de gilets jaunes

Voici un an quelques personnes lancèrent cette idée rocambolesque : user un instrument que le pouvoir nous a obligé (pour notre bien) à mettre dans nos voitures comme drapeau de la révolte. Un petit malin a même ajouté de le mettre au quotidien sur le pare-brise de la dite voiture plutôt que de le laisser caché dans le coffre. L’idée a beaucoup amusé le pouvoir en place pour qui un anar à côté d’un électeur de l’extrême-droite ne pouvaient rien donner. Pourtant il avait réussi à mettre à côté d’un membre du PS comme Castaner, un membre de la droite comme Philippe ! Ce pouvoir plus que d’autres ne peut avancer qu’à l’aveuglette.

Bref la révolte a fait trembler le pouvoir qui a été contraint de réviser ses premières analyses : d’un côté il a lâché du lest, et de l’autre il a revu à la hausse son système répressif.

Mais l’essentiel est ailleurs : il a fait en sorte que le drapeau gilet jaune devienne un drapeau parmi d’autres. Un drapeau unificateur devenant un drapeau parmi d’autres perdait ainsi sa raison d’être si bien qu’Eric Drouet a décrété à un moment que le gilet jaune n’était plus utile car nous étions les gens et qu’il fallait manifester comme des gens parmi d’autres.

Le besoin unificateur est immense parmi les citoyens et il ressurgit périodiquement d’où l’idée de le détourner par une union sacrée contre le dérèglement climatique. Tous main dans la main, sauvons le climat ! Une union sacré d’autant plus utile qu’elle renvoyait les gilets jaunes à leurs revendications « bassement » sociales.

Dans un autre contexte, le phénomène s’est produit avec la création d’ATTAC au début des années 2000, association destinée ensuite à se fracturer.

Podemos en Espagne puis France insoumise en France usant de leur nouveauté ont fonctionné un peu de même dans des registres différents.

Des élections se préparent en Espagne et l’éparpillement politique est devenu la règle par l’intermédiaire de la crise catalane. Chaque pays a ses modes d’organisation de fractures suivant le principe : diviser pour régner.

En France où le syndicalisme est le plus divisé par rapport aux autres pays européens, la fracture repose sur l’émiettement associatif. Le phénomène a sa dimension internationale avec les ONG qui par leur fonction d’opposition au système en sont une forme de vitrine. Haïti est la caricature du phénomène.

Des gilets jaunes se sont dispersés : je pense à Ingrid Levavasseur qui n’a pas rangé sa révolte mais qui l’a déplacé dans une liste municipale courageuse. Elle n’est pas la seule à avoir choisi cette voie.

D’autres gilets jaunes vont continuer d’œuvrer dans la rue pour défendre l’idée d’une autre société en attendant qu’une nouvelle vague unificatrice, que l’expérience a rendu possible, vienne réchauffer nos cœurs, nos volontés, nos espoirs par une autre révolte… en marche. J-P Damaggio

Source : Vie de la brochure, 6 oct 2019