Maroc : L’arnaque des accords d’Aix-les-Bains

La déclaration franco-marocaine de la Celle-Saint-Cloud du 6 novembre 1955, les accords franco-marocains du 2 mars 1956, les accords hispano-marocains du 7 avril 1956, la convention diplomatique franco-marocaine du 19 mai 1956, la déclaration finale du 29 octobre 1956 de la conférence de Tanger abrogeant le statut de cette zone, tels sont esssentiellement les actes juridiques qui, au cours des années 1955-1956, ont jalonné l’histoire du statut international du Maroc et consacré l’indépendance et l’unification de l’Empire chérifie. C’est en rendant compte de ces actes successifs que l’on retracera cette histoire.

I. D’aix-les-Bains à la Celle-Saint-Cloud

Les prodromes.- Au mois d’août 1955, lorsque l’aggravation de la situation intérieure du Maroc, assombie par les progrès sanglants du terrorisme, conjuguée avec les perpléxités du gouvernement français dans sa politique marocaine, provoquent les entretiens d’Aix-les-Bains, le statut international de l’Empire chérifien est encore régi apr le traité de Fès du 30 mars 1912 et dominé par l’existence du protectorat français issu de ce traité. Le Maroc est un état protégé.

Le 22 août s’ouvrent à Aix-les-Bains les « entretiens franco-marocains » au cours desquels un comité de 5 ministres français cherche auprès de personnalités politiques chérifiennes, de représentants des français du Maroc et surtout de délégués des partis nationalistes marocains, à s’éclairer et à dégager les éléments d’une politique nouvelle.

Obtenir le départ du Sultan Ben Arafa, installer un conseil du Trône, former avec les nationalistes un gouvernement marocain, obtenir l’approbation de l’ancien Sultan Ben Youssef, à ce moment en exil à Antsirabé, telles sont les conclusion auxquelles, non sans tiraillements, aboutissent les conversations.

Au début de septembre le général Catroux est envoyé en mission à Antsirabé. L’échange de lettres entre le général et Sidi Mohammed Ben Youssef (« accords d’Antsirabé ») définit les « principes directeurs de l’action politique que la France compte entreprendre dans l’Empire chérifien » comme devant « conduire le Maroc au statut d’État moderne libre eet souverain, uni à la France par des liens permanents d’une interdépendance librement consentie sur les plans stratégique, politique, diplomatique, économique et culturel ». Sidi Mohammed accepte de « soutenir cette politique devant l’opinion marocaine ».

Le 1er octobre, à la suite d’atermoiements et de manœuvres diverses, le Sultan Ben Arafe accepte de se retirer et de quitter Rabat, sans du reste renconcer à ses « droits du Trône ».

En même temps est mis en place le « Conseil des gardiens du Trône, dépositaires des pouvoirs et prérogatives de la Couronne ».

Ce même 1er octobre le gouvernement fraançais publie une longue déclaration dans laquelle il affirme sa volonté de « conduire le Maroc au stattu d’État souverain et démocratique et maintenir avec lui les liens permanents d’une interdépendance librement consentie » ; il est du reste précisé que cette politique doit être poursuivie « dans le cadre du Traité de Fès ». Le 8 octobre, à l’Assemblée Nationale, un débat assez passionné se termine par le vote, à une grosse majorité, d’un ordre du jour de confiance papprouvant les accords d’Aix-les-Bains et souhaitant la formation d’un « gouvernement (marocain) capable de négocier avec la France les liens permanents nécessaires ».

Le 25 octobre un véritable coup de théâtre se produit et vient, dans l’évolution du problème marocain, apporter une aide singulière aux effets naturels de l’accélération de l’histoire : dans un retournement sensationnel, l’un des principaux instigateurs de la révolution dynastique de 1953, le pacha de Marrakech, exprime brusquement devant le Conseil du Trône le vœu de la « prompte restauration de Sidi Mohammed ».

On ne saurait trop souligner l’importance d’un tel eévénement dans le déroulement des faits historiques : non seulement il levait pratiquement la principale difficulté du problème dynastique, mais, en outre, il ne pouvait manquer d’avoir, sur le problème politique plus vaste des rapports franco-marocains, d’inévitables incidences. C’est ce qui apparut rapidement :

D’une part, la restauration de Sidi Mohammed apparaissant désormais inéluctable, Ben Arafe abdiquait le 29 octobre et le gouvernement français considérait le problème dynastique comme résolu.

D’autre part, les accords d’Aix-les-Bains apparurent immédiatemet dépassés et, dans les premiers jours de novembre, après que Sidi Mohammed, rentré d’exil, se fût installé à Saint-Germain-en-Laye et eût provisoirement chargé les 4 gardiens du Trône de continuer à exercer leurs fonctions jusqu’à son retour à Rabat, des entretiens politiques avaient lieu entre lui et le ministre français des affaires étrangères, M. Pinay, au Château de La Celle-Saint-Cloud, qui aboutissaient à la publication d’une « déclaration commune ».

La « déclaration de La Celle-Saint-Cloud ».- Publiée le 6 novembre, la déclaration de La Celle-Saint-Cloud constitue en la forme, comme son nom l’indique, une « déclaration commune du ministre des affaires étrangères et du Sultan du Maroc » (1). Elle est relativement brève. Le passage essentiel confirme la « volonté de Sa Majesté le Sultan du Maroc de constituer un gouvernement marocain de gestion et de négociation » ayant notamment pour mission de « conduire avec la France les négociations destinées à faire accéder le Maroc au statut d’État indépendant, uni à la France par les liens permanents d’une interdépendance librement consentie et définie ».

Pour la première fois – et l’on ne manqua pas de le relever – le mot fatidique « indépendance » était clairement prononcé et aucun allusion n’était faite au traité de Fès. Sans doute l’accession à l’indépendance était présenté comme devant résulter de négociations et l’on pouvait la considérer comme devant être conditionnée par une « interdépendance définie ». L’importnce que revétait el elle-même la déclaration du 6 novembre en ce qui concerne le statut international du Maroc et la réalisation de son indépendance n’en était pas moins éclatante dans le contexte politique qui l’entourait et n’échappa à personne (2).

II- La reconnaissance de l’indépendance marocaine

Vers les accords franco-marocains.- Le 16 novembre le Sultan Sidi Mohammed rentrait à Rabat dans une atmosphère d’enthousiasme populaire. Le 18. à l’occasion des cérémonies commémorant l’anniversaire de son avènement il prononçait un important discours du trône dans lequel il précisait que l’un des objectifs du futur gouvernement chérifien serait de « négocier avec le gouvernement français pour définir le cadre et le contenu de l’indépendance du Maroc et de l’interdépendance entre le Maroc et la Fance sur la base de leur égalité et du respect mutuel de leur souverainetés ». Il ajoutait : « L’indépendance à laquelle notre peuple aspire ne doit pas signifier un relâchement de nos liens avec la France car l’amitié entre nos deux pays est solidement enracinée et remonte loin dans l’histoire ».

Le 30 novembre est contitué, sous la présidence de Si Bekkaï, le « gouvernement marocain de gestion et de négociations » prévu dans la déclaration de La Celle-Saint-Cloud.

Dans sa déclaration ministérielle, lue le 13 décembre, le président Bekkaï soulignait que son gouvernement « est d’abors et avant tout un gouvernement chargé de négocier avec la France les termes d’un nouvel accord ». Il ajoutait notamment : « L’ère du protectorat, comme l’a dit Sa Mesjté chérfienne, est révolue. Un nouvel accord sera conclu entre la France et le Maroc qui, après avoir formellement constaté l’abrogation du Traité de Fés de 1912, définira les bases des relations entre les deux Etats… Deux ordres de garanties pourraient être prévus : d’abors, sur un plan supérieur, le nouvel accord franco-marocain qui sera négocié pour l’instauration du régime d’indépendance, définira les liens de coopération, d’assitance et de solidarité entre le Maroc et la France. D’autre part, sur le plan purement interne, les français installés au Maroc auront les mêmes garanties que l’on trouve dans les pays démocratiques modernes : garanties pour leurs personnes et leurs biens, liberté d’expression, de réunion, de culte, liberté d’établissement avec l’assurance qu’ils ne feront l’objet d’aucune discrmination pu mesure particulière. Il en sera de même à l’égard des étrangers ». (à suivre)

Source : Le statut international du Maroc depuis 1955, André de Laubardère, Annuaire Français de Droit International  Année 1956  2  pp. 122-149

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