Maroc : Thomas Cook doit 20 millions d’€ aux hôteliers d’Agadir et Marrakech

C’est cuit pour Thomas Cook !

Abdelkarim Chankou

Le low-cost c’est de la low altitude : ça ne vole pas haut mais c’est fatal pour l’ancienne économie ! Le pionnier anglais de l’industrie du voyage Thomas Cook Group vient d’en faire les frais en déposant le bilan après que la dernière tentative d’éviter la faillite au plus ancien voyagiste au monde a échoué dans la nuit de samedi à dimanche derniers. Un coup de tonnerre pour le tourisme européen ; ne serait-ce que pour la simple raison qu’on a affaire à une entreprise « originellement créée en 1841 en Angleterre et qui compte environ 2 600 agences de voyages, 33 voyagistes, 22.000 salariés et une présence à travers 15 pays dans le monde et 89 avions.»

Un mastodonte dont « l’activité est assurée au travers des marques Thomas Cook, Airtours, Neckermann, Condor, Ving, Direct Holidays et Sunquest. » Lesquelles marques vont certainement être affectées par la disparition de Thomas Cook. Ainsi après Aigle Azur et XL Airways, deux compagnies aériennes placées il y a quelques jours en redressement judiciaire, c’est au tour du voyagiste Thomas Cook qui pèse 11,32 milliards d’euros de chiffre d’affaires de constater que désormais pour lui les carottes sont cuites.

En cause la concurrence à bas coût, la cherté du carburant, les sombres perspectives pour l’économie britannique après un Brexit dur et aussi les troubles sociaux que connaissent ces derniers temps certains pays qui figurent sur la liste des destinations privilégiés du TO britannique, autrement dit des pays vivant du tourisme qui cèdent facilement au chantage de la casse des que les gros voyagistes gourmands ne trouvent jamais assez bas… Parmi ces destinations on trouve la Tunisie, le Maroc, l’Égypte, la Grèce etc.

Le conseil d’administration du Groupe n’a pas pu donc convaincre son principal actionnaire le chinois Fosun (voir encadré) pour trouver les 227 millions d’euros nécessaires pour éviter la faillite et surtout une opération de rapatriement massif et coûteux de quelques 600 000 touristes dont 150.000 britanniques et 10.000 français.

THOMAS COOK C’ÉTAIT CERTES DE LA BONNE CUISINE DES VIELLES MARMITES MAIS QUI NE FAIT PLUS RECETTE

Mais pour rapatrier tout ce beau monde en un délai raisonnable (certains touristes sont coincés dans leurs hôtels au-delà de la période payée notamment en Grèce, au Maroc et en Tunisie) le TO devra mobiliser entre 3.000 et 4.000 vols, soit la plus grosse opération de rapatriement depuis la seconde guerre mondiale. Opération onéreuse pour une entreprise qui bat de l’aile. Les assurances peuvent payer une partie des frais de cette opération mais pas tout. Surtout pas l’ardoise que laissera le TO dans des hôtels aux quatre coins du monde. Au Maroc où le voyagiste a signé un deal avec l’office national marocain du tourisme pour ramener en 2019 quelque 102.000 touristes dans le royaume n’a honoré jusqu’à maintenant que 60 % du contrat en termes de clients alors que plusieurs hôteliers à Agadir et Marrakech pour ne citer que ces deux grandes destinations se demandent qui va les payer. Au moins 200 millions de dirhams de pertes (environ 20 millions d’€). Pour la Tunisie c’est pire . Ce sont plus de 50.000 touristes qui étaient attendus d’ici la fin de l’année qui sont donc partis en fumée. La question qui se pose d’elle-même est commet un TO qui savait qu’il était plombé par les dettes a pu continuer son activité comme si de rien n’était et ce au vu et au su des autorités et des observateurs ! A-t-on cru à tort que son rachat en juillet dernier par le chinois Fosun allait le sauver ? Peut-être que oui peut-être que non. Mais une chose est sûre : Thomas Cook c’était certes de la bonne cuisine des vielles marmites mais qui ne fait plus recette. « C’est une société de la vieille économie qui a perdu 1,7 milliard d’euros au cours du premier semestre de cette année. » constate sans surprise Jean-Pierre président des Entreprises de voyage, l’ex-syndicat français des agences de voyages. À se prendre dans un pub irlandais une bonne cuite. Et vite !

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Encadré :

Tourisme : en faillite, Thomas Cook ne deviendra pas chinois

Par Jean-François Arnaud le 23.09.2019

Le conglomérat chinois Fosun, actionnaire à 15% du voyagiste britannique, perd plus de 250 millions de livres faute d’avoir su monter un montage financier solide. Thomas Cook ne sera jamais chinois ! Par un coup de théâtre de dernière minute, le voyagiste britannique en difficulté a été déclaré en faillite, le 23 septembre, alors qu’un plan de sauvetage avait été élaboré par les parties prenantes depuis plusieurs mois.

« L’affaire était pourtant bien ficelée, rappelle Jean-Pierre Nadir, le fondateur d’Easyvoyage.com. Au terme d’une transaction de quelque 900 millions de livres, Fosun devait récupérer 75% du capital des activités de tour operating de l’entreprise alors que les banques créancières récupéraient 75 % de sa compagnie aérienne. »

Rappelons que Thomas Cook, 22.000 salariés, étranglé par les dettes, avait annoncé une perte record de 1,5 milliard de livres pour le premier semestre, pour un chiffre d’affaires de 10 milliards.

« Cette entreprise cumulait les handicaps : ses dettes, son modèle qui n’a pas su assez évoluer et son retard dans le numérique », juge Jean-François Rial, le président de Voyageurs du Monde et vice-président du Ceto (Cercle d’études des Tour-Opérateurs). Un montage financier qui n’a pas su convaincre les créanciers La prise de contrôle par Fosun était pourtant un accord gagnant-gagnant. Il permettait au géant chinois, déjà actionnaire de Thomas Cook (15%), de mettre la main sur un nouveau fleuron européen du tourisme (après le Club Med racheté en 2015 pour 939 millions d’euros)…

Source : Le blog du 21, 26 sept 2019