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Les crimes de guerre du colonialisme français (1)/ Les massacres et viols de masse du Cap Bon en Tunisie, 1952

« La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », Emmanuel Macron 15 février 2017, Echorouk News 1.

Jean-Pierre Bacot

Quelques éléments de chronologie pour commencer. Alors que la Tunisie avait été conquise dès 1881 par le gouvernement du socialiste et franc-maçon Jules Ferry et se trouvait gérée sous forme de protectorat, le 10 avril 1950, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères du gouvernement français, envisage de conduire le pays vers l’indépendance, dans le cadre de l’Union française. Il s’oppose sur ce point au président du Conseil Georges Bidault. C’est la ligne dure qui va l’emporter et le 15 décembre, la France rejetant en bloc les réformes qui avaient été demandées par le gouvernement tunisien et acceptées par le résident général Louis Périllier. Celui-ci est remplacé en janvier 1952 par un diplomate à poigne, Jean de Hautecloque. Ce dernier aurait déclaré à Vincent Auriol, Président de la République « Jusqu’ici, Monsieur le Président, nous avons bandé mou, maintenant, il nous faut bander dur ».

Le 14 janvier, le gouvernement du néo-Destour dirigé par Habib Bourguiba dépose une plainte à l’Organisation des nations unies (ONU), juste avant que le congrès de ce parti, prévu le 16 soit interdit. Le 18, Bourguiba est arrêté et déporté à Tabarka, ville portuaire proche de la frontière algérienne. La réaction tunisienne est immédiate et dès le 22 janvier, éclatent des grèves et des manifestations. Le colonel Durand est tué dans une émeute à Sousse. La répression qui suit fera au moins 17 morts tunisiens. Ce sera le début d’affrontements sanglants qui ne se termineront qu’avec l’indépendance de la Tunisie le 20 mai 1956. Le 25 mars, le Premier ministre tunisien, M’hamed Chenik et les autres ministres seront arrêtés.

Les massacres du Cab Bon s’inscrivent dans la chronologie que nous avons rapidement rappelée. Du 28 janvier au 1er février 1952, une opération de ratissage va être menée dans les villes de Tazerka, El Maâmoura et Kelibia. Elle est dirigée par le général Pierre François Marie Joseph Garbay (1903-1980), ancien résistant, compagnon de la Libération, mais tout autant massacreur en chef, qui s’était déjà illustré dans la répression de l’insurrection de Madagascar en 1947, laquelle avait fait 89 000 morts. Il fut aussi en poste au Sénégal et en Indochine et mourra en 1980 avec tous les honneurs de général d’armée, ancien commandant militaire de Paris.

Il y aura au moins 200 morts dans cette mise en coupe réglée de localités du Cap Bon au Nord Ouest de la Tunisie, dont beaucoup d’exécutions sommaires, femmes et bébés compris. Mais il se produira aussi une série de viols qui auront les conséquences terribles sur la population locale que l’on peut imaginer, jusqu’à aujourd’hui. Les sources françaises de ces incontestables crimes de guerre jamais punis existent depuis l’origine et elles ne manquent pas d’interroger sur l’attitude de militaires de haut rang qui s’étaient remplis de gloire contre les nazis pour s’en montrer quelques années plus tard les dignes émules, agissant en Tunisie, mais aussi en Algérie, en Afrique noire ou en Asie du sud-est comme des SS l’auraient fait en Pologne.

L’indépendance de la Tunisie n’empêchera pas la France de tenter de conserver la base navale de Bizerte en 1961 ce qui vaudra des combats sanglants et un abandon l’année suivante au profit des Tunisiens après une intense crise diplomatique.

Sources :

Sami ben Abdallah, « Le Drame tunisien, les viols et massacres commis au Cap Bon avant l’indépendance de la Tunisie », samibenabdallah.info, 11 mars 2012

Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994

Charles-André Julien, « Et la Tunisie devint indépendante », éditions Jeune Afrique, 1985

Livre blanc sur la détention politique en Tunisie, 1955

Jacques Morel, « Calendrier des crimes de la France outre-mer », http://jacques.morel67.pagesperso-orange.fr, 11 avril 2005
Alain Ruscio, Y’a bon les colonies, Autrement n°144, Oublier nos crimes, avril 1994.

Crítica Masónica, 31 mai 2017

Tags : Tunisie, France, colonialisme, Cap Bon,

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