L’État islamique « renforce les conditions propices à son éventuelle résurgence », prévient un rapport de l’ONU

À en croire Baqir Jabr al-Zubaidi, ancien ministre irakien de l’Intérieur, le chef de l’État islamique [EI ou Daesh], Abou Bakr al-Baghdadi, aurait quitté le Levant pour trouver refuge en Libye. « Les informations que j’ai obtenues affirment qu’il se trouve actuellement en Libye et qu’il va bientôt diffuser un discours appelant à réactiver des cellules dormantes en Irak », a-t-il en effet affirmé au site Baraa News, le 15 juillet.

Seulement, le 24e rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions concernant l’EI et al-Qaïda, qui vient d’être rendu public, invalide les propos de l’ex-responsable irakien.

Ainsi, s’il a perdu son dernier bastion en mars dernier, en l’occurrence celui de Baghouz, grâce aux Forces démocratiques syrienne [FDS, alliance arabo-kurde, ndlr] et à la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, l’EI a basculé dans la clandestiné. Et son réseau clandestin en Syrie, explique le document, « s’étend et des cellules sont créées dans les provinces, selon la même stratégie que celle déployées en Irak depuis 2017 ».

Pour ce rapport de l’ONU, l’EI s’adapte, créé et « renforce les conditions propices à son éventuelle résurgence dans ses fiefs irakiens et syriens ». Et d’ajouter : « Ce processus est plus avancé en Irak, où sont désormais basés Abu Bakr al-Baghdadi et la plupart des responsables » de l’organisation jihadiste. Voilà ce qui contredit M. al-Zubaidi…

En outre, avance le document, l’EI a toujours des réserves financières importantes, qui « continueraient d’osciller entre 50 et 30 millions de dollars ». Il « aurait accès à des fonds en espèces dissimulés en Irak, en Syrie et dans les pays voisins, ou remis à des partisans jugés digne de confiance », précise-t-il. Une partie de ce « magot » est investie dans des entreprises irakiennes et syriennes » [et même d’ailleurs]. « Le groupe s’adapte à son statut d’insurgé et est beaucoup moins mis à contribution financièrement. Il recourt à la contrebande, à l’extorsion et à l’enlèvement contre rançon pour continuer de se financer », souligne le rapport.

Ne pouvant plus générer autant de revenus que par le passé, en raison de la fin de son « califat » physique, l’EI encourage ses cellules et ses partisans à l’étranger à être « autonomes sur le plan financier ». Un « État Membre a expliqué que les affiliés de l’EI étaient considérés comme des start-up : le siège central leur allouait un capital de lancement et leur prodiguait des conseils, mais il était clair qu’à terme, elles devaient être indépendantes », est-il relaté dans le rapport.

Revenu à la clandestinité, l’EI ne fait plus grand cas des combattants étrangers qui l’avaient rejoint après la proclamation de son « califat ». Selon l’équipe de l’ONU, ils sont « abandonnés à eux-mêmes » étant donné que, « pour la plupart », ils ne sont « plus jugés indispensables. »

« Pour assurer sa survie, l’EI veille en priorité à ce que ses dirigeants emblématiques et ses combattants syriens et irakiens puissent poursuivre leur mission », avance le rapport.

D’ailleurs, l’organisation n’a visiblement pas de peine à recruter localement. « Bien que vaincu militairement, l’EI conserve un grand nombre de combattants et de sympathisants en Irak et en Syrie. Il est en mesure de mener librement ses activités dans de nombreuses zones et de fomenter régulièrement des attentats afin de montrer sa puissance et de saper la confiance de la population
dans les autorités locales […] Il espère ainsi que la population locale s’impatientera, tiendra les autorités pour responsables de la situation et regrettera l’époque où il contrôlait la région », estime l’équipe de suivi des Nations unies.

La Libye est l’autre pays où l’EI fait preuve de résilience. Et c’est sans doute pour cette raison que M. al-Zubaidi a dit que Abu Bakr al-Baghdadi s’y serait réfugié. Depuis l’offensive lancée le 4 avril par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Haftar en direction de Tripoli, le groupe a intensifié ses actions dans le sud libyen. Et bien que ses combattants ont été chassés des zones côtières, ils « continuent de représenter une menace importante dans la région subcôtière, du sud des champs », explique le rapport.

Qui plus est, ses finances se portent bien, notamment « grâce aux 50 millions de dinars libyens provenant d’établissements financiers de Syrte lorsque la ville était sous son contrôle », à ses investissements « dans des petites et moyennes entreprises, et dans des sociétés de virement de fonds situées dans des villes côtières, notamment à Tripoli, Misrata et Khom », au trafic d’antiquités, ainsi qu’à « l’extorsion [racket] et l’imposition de taxes sur les réseaux de traite des personnes. »

Cela étant, le groupe jihadiste n’aurait pas, pour l’instant, les moyens de planifier d’attentats majeurs à l’étranger. Et les attaques menées contre la communauté chrétienne au Sri Lanka, le jour de Pâques, furent « inspirées » par l’EI. C’est à dire qu’il n’y a tenu aucun rôle opérationnel. « Le commandement de l’EI n’avait pas été informé à l’avance », souligne le rapport.

« Des États membres estiment que le groupe ne se contentera pas de compter sur son retentissement médiatique et sa propagande pour encourager la commission d’attentats, qui sont souvent déjoués et n’ont généralement qu’un effet limité quand ils aboutissent. Il réinvestira dans sa capacité de diriger et faciliter l’exécution d’attentats complexes à l’échelle internationale, dès qu’il disposera de l’espace et du temps nécessaires », prévient l’équipe de l’ONU.

Aussi, poursuit-elle, la « baisse du nombre d’attentats de ce type actuellement observée pourrait donc ne durer que peu de temps et même se terminer avant la fin de 2019. D’ici là, l’EI inspirera d’autres attaques, peut-être dans des lieux inattendus. »

Source : Opex360

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