Algérie : Classe politique, société civile et personnalités divisées sur la sortie de crise et le dialogue : Karim Younès ou la difficulté de convaincre !

Par Houria Moula

En décidant de continuer sa mission de médiation et de dialogue, le panel que dirige Karim Younès se lance dans un défi qui n’est pas facile à réaliser. Après le refus de l’institution militaire des préalables posés pour l’entame de tout dialogue, qui devait être l’acte de décès de l’instance, voilà que le panel renaît de ses cendres pour viser loin, «entamer le dialogue sans délais». Outre le rejet réitéré à l’occasion du 24e vendredi, affirmant qu’il n’est «pas question d’un dialogue ou d’une élection présidentielle tant que ‘la bande’ est aux commandes», nombreux sont les partis et acteurs politiques et représentants de la société civile qui ne s’inscrivent pas dans la démarche du pouvoir, donc de Karim Younès.

Ce dernier rappelle pourtant qu’il n’est « ni le pouvoir ni son émissaire ». Mais, en révisant à la baisse les conditions de dialogue au nom de « l’intérêt du pays » qui « passe avant tout », le panel voit sa marge de manœuvre réduite. Si l’on excepte le Forum civil pour le changement de Abderrahmane Arar, ayant initié le dialogue en proposant une liste de 13 personnalités, force est de constater que le reste de la société civile, qui s’est réunie le 15 juin dernier lors d’une conférence nationale, ne compte pas céder sur les préalables. Saïd Salhi, de la Laddh, Abdelwahab Fersaoui, de RAJ, Lyès Merabet, du SNPSP, ou encore, le sociologue Nacer Djabi, se sont déjà exprimés sur le sujet et mis la libération des détenus d’opinion au centre des préoccupations.

A défaut de tout ce monde, dont la présence sur le terrain n’est pas à prouver, trouver des interlocuteurs crédibles au sein de la société civile devient une mission difficile.

A moins que Karim Younès et son équipe ne se limitent à s’entretenir avec des organisations satellites.

Agendas différents

Pour ce qui est de la classe politique, la mission de M. Younès s’avère plus complexe. Sans aucune garantie ni préalable, les partis de l’opposition s’aventureront-ils à dialoguer avec lui, au risque de se voir rejetés par le Hirak ? Il faut d’ores et déjà rappeler que sept partis, regroupés au sein des Forces de l’Alternative démocratique, rejettent l’offre de dialogue devant aboutir à une présidentielle.

Sans un certain nombre de conditions, « aucune initiative politique de quelque nature qu’elle soit et aucun dialogue politique ne sont viables », avaient indiqué le FFS, le RCD, le PT, le MDS, le PST, le PLD et l’UCP en plus de la Laddh dans leur dernier communiqué. Ce groupe du camp démocrate s’attèle à réussir son propre rendez-vous : la convention du Pacte national pour une transition démocratique, prévue le 31 août.

Dans l’autre camp, celui des Forces du changement pour le triomphe du choix du Hirak, les avis sont partagés. Abdallah Djaballah, du parti El Adala, ne croit pas au panel qu’il a descendu en flammes, hier, l’accusant de travailler pour l’agenda du pouvoir. Ceci, au moment où des chefs de parti comme Ali Benflis, de Talaie El Hourriyet, et Abderrezak Makri, du MSP, adoptent pour le moment une position pour le moins prudente. Soutenant la voie du dialogue, ils ne se prononcent pas, cependant, pour une adhésion sans préalables. A partir de là, il est à se demander qui, Karim Younès, va-t-il inscrire dans sa liste de partis politiques appelés à être consultés ? Déjà fragilisé par la démission de Smaïl Lalmas et de Azeddine Benaïssa, le Panel qui s’est vu renforcé par l’adhésion de Hadda Hazem, l’avocate Fatma-Zohra Benbraham et le président de l’Association des oulémas, Abderrazak Guessoum, a été désavoué par un grand nombre des 23 personnalités nationales appelées à le rejoindre.

Ahmed Benbitour, Mouloud Hamrouche, Rachid Benyelles, Djamila Bouhired, Drifa Ben M’hidi, Maîtres Mostepha Bouchachi et Mokrane Aït Larbi, pour ne citer que ceux-là, lui ont dit « non ». Mais, enfin avec qui Karim Younès va-t-il dialoguer ?

ReportersDZ, 4 août 2019

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