Sahara occidental: le trou noir d’information

Harcèlement et arrestations de journalistes autochtones et vigilance stricte envers les correspondants. Telle est la réalité vécue au Sahara occidental, selon un rapport de Reporters sans frontières dénonçant le manque de liberté de la presse dans cette partie du monde. Le Maroc, qui célèbre les 20 ans du règne de Mohamed VI, ne veut pas entendre parler de voix critiques ou dissidentes. Un nouveau genre des journalistes veut toutefois rompre le silence des médias sur l’ancienne colonie espagnole.

Par Violeta Tena

À l’aube du 8 novembre 2010, les forces de sécurité marocaines ont fait irruption dans le camp de Gdeim Izik, une zone désertique située à 15 kilomètres seulement d’Aaiún. Il y a un mois, un groupe de Sahraouis y avait campé pour protester contre les conditions économiques difficiles auxquelles le Sahara occidental est confronté. La manifestation a commencé à rassembler quelques promoteurs, mais elle a pris de l’ampleur au fil des jours. Lorsque les forces de sécurité marocaines y ont fait irruption, le 8 novembre, elle a accueilli 20 000 personnes et environ 8 000 magasins. La manifestation a été dissoute par coup de force et environ 200 personnes ont été arrêtées. Parmi eux, Hassan Dah, qui a contribué à la télévision de la chaîne RASD du Front Polisario, qui avait assisté au camp pour documenter l’action de protestation de la société civile. Il a été emprisonné, soumis à un procès – un procès sans la moindre garantie légale, selon Human Right Watch – et emprisonné. Depuis lors, il est toujours emprisonné, comme trois autres collègues.

Celle de Dah est l’une des nombreuses histoires de répression et de persécution rapportées par Reporters sans frontières (RSF) dans « Sahara occidental: un désert pour le journalisme », rapport qui met en lumière le blocus informationnel que le Maroc place sur ce territoire. qui était une colonie espagnole jusqu’en 1976. Et il le fait de deux manières: d’une part, empêcher le libre exercice de la profession, c’est-à-dire nier la liberté d’expression et d’information des professionnels résidant sur le territoire; et d’autre part, empêcher ou rendre difficile l’entrée de journalistes étrangers dans le territoire occupé. Un « trou noir », selon RSF. Il ne faut pas oublier que le Maroc compte 135 des 180 pays qui analysent la classification mondiale de la liberté de la presse réalisée chaque année par RSF. « La propagande officielle dit qu’au Sahara, tous les droits sont garantis, qu’il y a une liberté pour tous, que nous vivons dans un paradis, mais c’est un mensonge », a déclaré Ahmed Ettanji, journaliste âgé de 31 ans, co-fondateur en 2009 du collectif Equipe Média, afin de briser le mur du silence que la monarchie alaouite veut imposer à la réalité de ce territoire qui est au coeur d’un conflit latent avec le Maroc depuis quatre décennies.

Suivis presque constants, escortes téléphoniques, arrestations dans les postes de police pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, harcèlement de parents, menaces, contrôles informatiques, … sont notre routine quotidienne pour les professionnels travaillant au quotidien, selon Plainte de RSF Ainsi que des arrestations irrégulières et, dans certains cas, le transfert de prisonniers vers des centres situés à des centaines de kilomètres du domicile familial. «Les journalistes sahraouis font face, à tout moment de leur carrière, à une condamnation d’extrême gravité, mettant fin à leur vie professionnelle et personnelle, explique le reportage, mais ils coexistent également au quotidien avec des entrées et sorties des commissariats et prisonniers. u curateur et de la prison, pour des crimes présumés chaque tour plus créatifs.  » De janvier à juin, 25 journalistes, observateurs des droits de l’homme et avocats ont été emprisonnés par la police. « Le niveau de vulnérabilité est maximum », explique Ettanji, en tournée en Espagne pour rendre compte de cette situation. Le documentaire intitulé 3 caméras volées, coproduit avec le producteur suédois RaFILM, a révélé l’échec de la censure chez Equipe Media.

La persécution des journalistes locaux – à laquelle les autorités locales, en passant, nient la condition des journalistes de ne pas avoir les études universitaires correspondantes – relie le bloc informationnel aux correspondants étrangers. Dans de nombreux cas, les informations inconfortables contenues dans les journaux internationaux impliquent le retrait de la carte de journaliste en réponse, une circonstance qui désactive les professionnels. Les déportations de correspondants par le gouvernement marocain sont à l’ordre du jour, selon les critiques de RSF, notamment lors de rencontres entre Sahraouis et Marocains.

En 2010, à l’occasion de l’expulsion de Gdeim Izik, il a engagé des professionnels des sociétés Cadena Ser, TVE, Onda Cero, Antena 3, EFE et de l’agence française AFP. Ce n’était cependant pas un événement ponctuel. Depuis lors, des journalistes de toutes nationalités ont été déportés pour empêcher leurs chroniques d’atteindre l’opinion publique occidentale. La dernière était la photojournaliste aragonaise Judith Prat, expulsée de El Aaiún peu de temps après son arrivée pour former les activistes du Sahara. « La communauté internationale, et en particulier l’Espagne, doit cesser de regarder de l’autre côté. Au Sahara occidental, les droits de l’homme sont violés et cela ne devrait pas être autorisé », explique Ahmed Ettanji avant de rentrer chez lui. « Je ne sais pas s’ils m’arrêteront ou pas et que je ne pourrai pas retourner en Espagne », dit-il.

El Temps, 30 jui 2019

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