La diaspora, un atout pour l’Algérie

par Soumia Mohammed-Brahim

« Ne vous en déplaise, j’enseignerai à mon jeune fils que faire du mal à autrui ou à le mépriser pour sa nationalité, sa couleur de peau ou sa religion est un péché honni de Dieu ». Nezar Kabbani

Le football algérien au fir-mament de l’Afrique, grâce à des joueurs et un entraîneur qui ont porté héroïquement, à bout de bras, l’espoir de tout un peuple.

Ils ont permis à tout le peuple algérien de retrouver sa fierté sur la lancée de la révolution du sourire. Presque toute l’équipe ainsi que l’entraîneur sont binationaux (à majorité franco-algérienne). Coïncidant avec le 22e vendredi de mobilisation du Hirak, les Fennecs ont démontré leur attachement viscéral à leur pays d’origine ou celui de leurs parents. Le patriotisme, à ne pas confondre avec le nationalisme chauvin et étroit, n’est la chasse gardée d’aucun Algérien. La diaspora algérienne à l’étranger, peu importe son pays d’accueil, n’a aucune leçon à recevoir sur ce plan.

La double nationalité franco-algérienne est un fait existant du fait de notre histoire commune entre l’Algérie et la France (4 à 5 millions de binationaux de part et d’autre de la mer Méditerranée). La première émigration algérienne en France, qui a contribué à son développement à la sueur de son front mais aussi par le don de son sang à sa libération (Première et Seconde Guerre mondiale), n’a jamais rompu avec son pays d’origine. Sa participation à la guerre d’indépendance a été décisive: la Fédération de France du FLN, qui a porté la guerre au cœur de la France, et les cotisations lesquelles ont été le poumon financier de la Révolution, sans oublier les manifestations d’Octobre 1961 à Paris ayant fait des centaines de morts. L’Algérie a eu diverses vagues de migrants de par son histoire, et ces derniers n’ont jamais coupé le cordon ombilical avec leur patrie. Ils ont toujours répondu présent quand le pays a eu besoin d’eux. Les générations, tout en luttant pour une intégration pleine et entière dans le pays d’accueil, tant au plan économique et social, n’ont jamais tourné le dos à leur pays d’origine en toute circonstance.

Les exemples lors des dernières décennies ne manquent pas. Leur intérêt pour les situations politiques et leur activité en est un exemple (associations franco-algériennes, structuration de partis algériens, participation massive aux différents scrutins en Algérie), leur solidarité avec le pays en cas d’évènements graves (catastrophes naturelles et surtout la décennie noire) n’ont jamais été mis en défaut, en est un autre exemple.

Enfin, leur mobilisation pendant le Hirak ces six derniers mois, en se rendant massivement en Algérie le temps d’une marche. Ou en défilant chaque dimanche dans les différents pays d’adoption en gardant les mêmes mots d’ordre : »Selmya selmya». Et leur bonheur exprimé devant toutes les télévisions du monde à l’occasion de la victoire de l’Algérie à la CAN est l’exemple le plus emblématique.

Les binationaux, fruits de l’histoire algérienne, n’ont aucun complexe à assumer leur double appartenance à deux nations, fiers du pays de leur origine, l’Algérie, un pays riche de son histoire, de sa diversité, de son combat pour la liberté, l’indépendance et la justice sociale, et leur pays d’accueil ou de naissance, tel que la France, pays de la Révolution de 1789, de son école républicaine, sans jamais oublier de condamner son passé colonial subi par leurs parents et grands-parents en déclarant «un système inique et brutal», «un crime contre l’humanité». Un pays qui leur a apporté beaucoup en culture, en esprit d’analyse, en instruction et liberté de pensée. L’Algérie ne doit pas voir en les binationaux un «hizb frança», mais comme une force prête à retrousser les manches pour aider le pays à se construire, avec tout ce qu’elle compte comme compétences.

C’est en se débarrassant des préjugés et du nationalisme étroits que l’Algérie pourra intégrer, dans un large front pour le développement, sa diaspora à l’étranger, en ne la différenciant pas dans les devoirs et les droits des autres Algériens.

Comme leurs aînés, mobilisés pour l’indépendance en France, les jeunes Franco-Algériens aujourd’hui sont mobilisés pour l’édification d’une Algérie nouvelle, libre et démocratique, plurielle, tournée vers l’universalité. Cette jeunesse, de par sa double culture et identité, ne peut être qu’un atout en plus pour l’Algérie de demain dans un monde sans frontières.

L’équipe nationale de football, à qui tout un peuple a accordé sa confiance, a montré la voie en hissant l’Algérie au sommet de l’Afrique, avec seulement une vingtaine d’hommes, alors, imaginons ce que nous pourrions construire avec 7 à 10 millions de personnes ! Ne reproduisons pas pour cette frange du pays de notre belle Algérie de demain les réflexes de l’extrême droite française. Pour rendre justice, notre diaspora est en droit d’attendre la suppression de l’article 51 de la Constitution qui fait d’elle des citoyens de seconde zone, à l’occasion de sa révision. L’Algérie a besoin de tous ses enfants d’ici et d’ailleurs pour construire la nouvelle Algérie qui rassemble.

Le Quotidien d’Oran, 27 jui 2019

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