Algérie-Maroc : Histoire et convoitises du Makhzen

Depuis l’indépendance de l’Algérie, les Marocains n’ont cessé de revendiquer des territoires du sud algérien. Si le plus souvent leurs revendications se limitent à Tindouf, certains poussent l’indécence jusqu’à citer le Touat, le Gourara et le Tidikelt, avec des références historiques à l’appui. Mais qu’en est-il en réalité ? Aya, parlons histoire.

Pour bien comprendre certains aspects historiques, un rappel du contexte sociologique de l’époque s’impose. Au Sahara, la plupart des gens adhéraient à des ordres religieux, on appelait les adeptes de ces ordres des Foqara. Ainsi les chaamba de Métlili, Ouargla et El Goléa étaient des foqara de Sid Cheikh (Saint patron d’El Abiod) et de la qadiryia ; les gens de Touggourt et de Laghouat adhéraient principalement à la Tidjanyia (de Ain Madhi) ; les gens du Touat(Adrar), du Gourara (Timimoun) et du Tidikelt (In-Salah) adhéraient quand à eux aux tariqates de la bouchikhya (Sid Cheikh), Senoussia (Senoussi, de Jerboub en Lybie), Qadirya et Taybyia (de Cheikh Moulay Tayeb de Ouazzane au Maroc).

De ce fait les gens du Sahara respectaient les chorfa (descendants du prophète) et vénéraient les saints hommes comme Moulay Abdallah Reggani (de Reggane) ou Moulay Ali Chérif (aïeul du roi du Maroc, au Tafilalet). Il s’agit bien d’affiliation ordinale et non d’allégeance au sens politique du terme dans le premier cas et de respect aux saints hommes dans le deuxième cas. Les historiens du Makhzen, adeptes des ambiguités sémantiques, appellent cela « allégeance au roi ».

Pour illustrer cet aspect, je rappelle l’histoire de Gerhard Rholfs qui a fait un voyage dans ces régions en 1864 sous le nom de « Si Mustapha Nemsi ». Pour pouvoir traverser ces contrées, il était muni d’une lettre de recommandation de Moulay Abdesselem, mokaddem de la Taybyia à Ouazzane. Lors de son passage à In Salah, le chef de ce ksar, El Hadj Abdelkader ben Badjouda, qui a douté de son identité lui a dit : « s’il venait un chrétien dans notre pays, même s’il était muni de lettres du sultan de Constantinople ou du roi du Maroc, je le livrerais à la foule » (1). Cette phrase démontre la totale indépendance de ces régions par rapport au roi du Maroc et du sultan de Constantinople.

En 1891, le roi du Maroc envoya des émissaires (le caïd Bouâza Es-Sokhari et le F’kih Si Mohammed Es-Slassi Er-Rachidi, Mohammed Delimi, et El Arbi el Menaï) pour s’attacher les ksour de ces régions. Devant le péril français qui se dessinait à l’horizon, quelques chefs de tribus se sont rendus auprès du roi (Moulay El Hassan), d’autres ont rejeté l’invitation. L’avenir leur donnera raison, car à ceux qui s’étaient rendus auprès de lui il avait promis la protection, mais quand les Français occupèrent In-Salah après les deux célèbres batailles de Feguiguira (décembre 1899/janvier 1900) et Deghamcha, menées sans la moindre intervention du roi Abdelaziz ben El Hassan, il s’est contenté d’une laconique lettre envoyée à El Hadj El Mahdi ben Badjouda (mort dans la bataille de Feguiguira) dans laquelle il s’apitoyaient sur le sort des musulmans (je suis en possession d’un photocopie de cette lettre). Le Touat, le Gourara furent occupés l’année suivante dans l’indifférence totale du sultan que ses propres sujets qualifiaient de « Mahboul ». (2)

(1) G.Rohlfs ; Voyages & Explorations Au Sahara – Tome 1, Draa, Tafilalet, Sud-Oranais, Touat, Tidikelt, Rhadamès ; 1861-1864)

(2) A.G.P Martin ; Quatre siècles d’histoire marocaine.

Source : AlgérieDZ.com, 7 nov 2010

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