A l’occasion du 50ème anniversaire du soulèvement de Zemla (Sahara Occidental)

Aussi loin que porte la mémoire, les tribus du Sahara ont vécu libres sur leur vaste territoire le Sahel, ainsi nommé avant la colonisation.

Les hommes voilés qui se nourrissaient de laitage et vivent du désert sont alors maîtres des routes de l’at et du sel qui vont du royaume du Fhana, a’Aoudaghost jusqu’à Marrakech. Eux seuls connaissent les secrets du désert et les cachettes de l’eau.

Redoutables guerriers ? En 1050-1100, ils écrivent l’épopée des Almoravides. Un ensemble de tribus fières de l’identité, structurées entre elles et indépendantes, se différencie nettement et des voisins du nord soumis à l’autorité du sultan, et du sud qui commencent à constituer une autorité supratribale.

L’arrivée au XIVème siècle de tribus nomades yéménites chassées par l’expansion hilalienne donnera à cet ensemble ses contours définitifs. Une langue commune, le hassaniya, un regroupement culturel s’étendant bien au-delà du territoire qu’elles occupent, une volonté farouche d’indépendance, briseront dès le XV siècle les premières tentatives européennes de pénétrer dans le territoire.

Et toute l’histoire de la résistance aux invasions européennes dans la région est étroitement celle du combat des tribus sahraouies. En 1995, le Congrès de Berlin partage l’Afrique entre puissances européennes et attribue la zone du Sahara Occidental à l’Espagne qui le revendiquait. Il ne faudra pas moins de 40 à 50 ans pour que la résistance de toute cette région, à laquelle participe activement les sahraouis, soit surmontée.

En 1912, sous la conduite de Ma El Aïnine, Marrakech est prise, la déchéance du sultan soumis aux français est proclamée. Le Colonel Mangin organise le massacre des troupes mal armées face à son armement moderne, puis la colonne Mouret pénètre en 1913 jusqu’à Smara qui est brûlée. Mais, insoumis toujours, les sahraouis guerroient et conduisent des razzis très meurtriers pour les colonisateurs, la dernière grande bataille eut lieu en 1932 à Oum Tounsi, un groupe nomade fut mis en pièces, 15 officiers et sous-officiers tués ; c’était une étape d’un razzi d’une grande audace, au cours duquel la Mauritanie fut traversée de part en part. Encore faudra-t-il qu’une vaste opération conduite par 3 généraux soit organisée pour que les troupes venues d’Algérie et de Mauritanie puissent opérer leur jonction. Dès lors, les Espagnols entrerprirent une prudente politique de pacification du territoire qui leur était dévolu.

Le Sahara Occidental, avec ses deux provinces, le Saguia el Hamra et Rio de Oro a une superficie représentant environ la moitié de la France et compte près d’un million d’habitants. Par sa position stratégique, « porte atlantique de l’Afrique », elle suscita la convoitise de plusieurs puissances européennes et africaines. Vers le XVIème siècle, les Hollandais, puis les portugais, furent les premiers à vouloir s’implanter sur notre territoire. Cependant, ils furent très vite repoussés. A cette époque, le peuple sahraoui connaissait déjà une organisation politico-militaire très élaborée : en particulier avec « Ait Arbain », sorte de parlement au sein duquel siégeaient les représentants des différentes tribus.

Jusque vers la fin du XIXème siècle, les espagnols qui étaient depuis longtemps aux Iles Canaries pratiquaient des échanges avec nos populations. Après le Traité de Berlin, leur présence s’est transformée en une tentative de domination à laquelle notre peuple a riposté par une guerre. Celle-ci ne prit fin qu’en 1936 après que la France se soit installé définitivement dans les pays voisins, notre pays se trouvant ainsi encerclé.

La lutte du peuple sahraoui a tenu malgré la trahison du gouvernement marocain en 1957 qui est allé jusqu’à participer à la grande opération « Ecouvillon ». Cette opération menée par la France cherchait à anéantir l’armée de résistance sahraouie qui avait déjà libéré presque tout le territoire du Sahara.

Vingt années plus tard, en même temps que se déroulait les grands combats pour l’indépendance, le peuple sahraoui se soulève. Rapidement, les troupes espagnoles doivent se replier sur les quelques villes cotières. Une importante opération franco-espagnole, bâptisée « Ecouvillon » est déclenchée le 10 janvier 1958 avec 14.000 hommes et 130 avions pour noyer dans le sang le soulèvement.

Une profonde modification de la société sahraouie : par suite de la répression, de la destruction des troupeaux alliée à la śecheresse, une part croissante de la population fut fixée dans les villes. Une importante maturation avait lieu qui conduisit à la construction du mouvement de libération du Sahara.

En 1970, l’Espagne prétendait mettre sur pied une union hispano-sahraouie. Le 17 juin, une puissante manifestation conduite par Bassiri marquait le refus du peuple sahraoui ; elle fut brutalement réprimée. Bassiri, lui-même, arrêté, n’a jamais reparu. Des dizaines de morts, des centaines d’arrestations, ont prouvé que la voie pacifique était impratiquable. Seule la lutte armée pourrait permettre de reconquérir l’indépendance.

A Zemla, dans la banlieue d’El Aaiun, des sahraouis se réunissent ce 17 juin 1970 pour une manifestation pacifique contre l’occupant espagnol. Bassiri est kidnappé par la sécurité espagnole, il disparaît à jamais, devenant l’un des tout premiers chahids (martyrs) de la cause sahraoauie. Cet événement a profondément marqué les jeunes sahraouis. Parmi eux, le premier Secrétaire Général du Front Polisario.

Nous ne pouvons pas nous référer à notre histoire sans rendre un hommage légitime à Sidi Mohamed Bassiri qui a fait du soulèvement de Zemla, le 17 juin 1970, un moment historique plein de signification. Avec cet événement, les Sahraouis ont acquis la conviction de la nécessité de résister et de lutter.

Il avait étudié le journalisme au Caire et à Damas, où il avait également acquis une solide formation juridique, appliquée notamment aux mouvements de libération. En 1968, il travaillait à la rédaction d’un journal marocain. En réponse à un article publié dans un autre journal, dans lequel l’auteur défendait la « marocanité » du Sahara, fit valoir, dans un autre article de son journal, que le Sahara appartenait aux Sahraouis. Cette édition du journal a été saisie sur ordre du gouvernement et Bassiri a quitté le Maroc.

Il arriva à Smara et rencontra les cinq jeunes hommes prêts à commencer la bataille pour l’indépendance de leur peuple. Les connaissances et le savoir-faire de Bassiri, qui dirigea la formation et les premières actions de ce qu’on appela le Mouvement d’avant-garde pour la libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro, furent reconnus.

Le Mouvement de libération créé par Mohamed Bassiri en 1968 fut le premier à demander l’autonomie du Sahara. Malgré la répression, de nouveaux mouvements nationalistes sahraouis virent le jour : le NIDAM, le Mouvement pour la défense du peuple sahraoui, et surtout le Mouvement de résistance des hommes bleus (MOREHOB) fondé en 1971 au Maroc par Edouardo Moha, qui revendiquait l’indépendance immédiate et rejetait toute idée de référendum. Mais ces mouvements indépendantistes manquaient cruellement de perspectives politiques claires et étaient, de fait, systématiquement récupérés par le Maroc.

En effet, le 17 juin 1970, le gouverneur général espagnol avait convoqué une réunion de notables sahraouis à El Aaiun en vue de ratifier un projet rattachant plus étroitement le Sahara à l’Espagne en le déclarant « province espagnole ». Le MLS décida alors d’organiser une manifestation pour signifier le refus de ce projet. La population d’El Aïoun vint très nombreuse, avec des notables, des membres de la Djemaa, des supplétifs militaires. Pour disperser cette foule immense, la troupe tira et le soir même Bassiri était arrêté et disparaissait. Premier martyr sahraoui de l’indépendance, présent encore aujourd’hui dans chaque mémoire.

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