Maroc : Le groupe de travail de l’ONU gravement critiqué devant une cour de justice

DETENTION ARBITRAIRE DU JOURNALISTE TAOUFIK BOUACHRINE: LE GROUPE DE TRAVAIL DE L’ONU GRAVEMENT CRITIQUÉ DEVANT UNE COUR DE JUSTICE MAROCAINE

• Le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (GTDA) avait appelé les autorités marocaines à libérer immédiatement Taoufik Bouachrine et à lui accorder réparation

• La défense des parties civiles a qualifié le rapport de « simples paperasses sans aucune importance » et a accusé Taoufik Bouachrine d’avoir corrompu le Groupe de Travail

• Taoufik Bouachrine, journaliste marocain critique du gouvernement, est détenu en isolement depuis plus de 14 mois après avoir été faussement accusé de viol et trafic d’être humain ; le procès en 1ere instance avait été entaché de nombreuses et graves irrégularités

CASABLANCA, 30 avril 2019 – Lors de la deuxième audience du procès en appel du journaliste Taoufik Bouachrine le 26 avril, alors que la Cour d’Appel de Casablanca doit répondre à la demande de libération immédiate formulée par la défense le 9 avril 2019, le juge a autorisé l’intervention de la partie civile sur la question de la détention arbitraire du journaliste Taoufik Bouachrine, violant ainsi les dispositions de l’article 752 du Code de procédure pénale marocain.

C’est à cette occasion que des avocats des parties civiles ont qualifié le rapport du GTDA de « paperasses sans valeur et sans aucune importance » et ont accusé le journaliste d’avoir « payé le GTDA » en affirmant que le rapport du GTDA était un travail sur commande.

Le journaliste Taoufik Bouachrine est détenu en isolement depuis son arrestation en février 2018 pour violences sexuelles présumées. Sur les quatorze supposées victimes, quatre n’ont jamais répondu aux convocations du tribunal tandis que cinq autres, conduites de force au tribunal, ont refusé d’accuser le journaliste, menant l’une d’entre elles à être condamnée à 6 mois de prison ferme pour outrage à un officier de police judiciaire. Taoufik Bouachrine, directeur du quotidien marocain Akhbar al-Yaoum, s’est souvent montré critique à l’égard des autorités marocaines ce qui laisse penser à de nombreux observateurs que ce procès est purement politique. En novembre 2018, il a été condamné à 12 ans de prison, sentence pour laquelle toutes les parties ont fait appel.

En janvier 2019, le GTDA, saisi par la famille du journaliste Taoufik Bouachrine, émettait l’opinion selon laquelle le journaliste Taoufik Bouachrine est détenu de manière arbitraire. Cette détention relève selon le GTDA des catégories I, II et III, selon les méthodes de travail du GTDA :

Catégorie I : Impossibilité d’invoquer un quelconque fondement légal pour justifier la privation de liberté – dans le cas de Taoufik Bouachrine : méconnaissance de la règle qui implique que toute détention ne saurait se poursuivre au-delà de la garde à vue sans ordonnance judiciaire

Catégorie II : La privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés garantis par la Déclaration universelle des Droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques – dans le cas de Taoufik Bouachrine : à cause de son travail d’investigation et d’information, en violation de la protection dont il bénéficie en vertu de l’article 19 du dit Pacte

Catégorie III : L’inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à un procès équitable est d’une gravité telle qu’elle rend la privation de liberté arbitraire – dans le cas de Taoufik Bouachrine : à cause des violations entravant substantiellement le droit du journaliste à un procès équitable.

Par ailleurs, le GTDA rappelle qu’il est d’une importance particulière de lutter contre les violences faites aux femmes et note que « obligation est faite aux agents de l’État, dans l’intérêt des victimes, de ne pas enfreindre les droits des personnes mises en cause, en garantissant une procédure équitable ». Tout en notant que le procès en première instance avait été entaché d’irrégularités affaiblissant grandement la crédibilité du jugement, le GTDA n’a jamais émis d’opinion sur le fonds de l’affaire mais seulement sur la légalité de la détention de Taoufik Bouachrine, en conformité avec la vocation de ce groupe de travail.

Aucune réponse officielle des autorités marocaines n’est parvenue au GTDA à ce jour.

Par ce présent communiqué, les membres de l’équipe de défense du journaliste Taoufik Bouachrine dénoncent l’abjection des propos exprimés par certains avocats de la partie civile et les critiques proférées à l’égard de l’Organisation des Nations-Unies et du Conseil des Droits de l’homme. Ils rappellent que le Maroc est membre de l’Organisation des Nations-Unies et du Conseil des Droits de l’Homme et s’interrogent quant à la signification de 1) l’absence de réaction officielle de la part du gouvernement marocain au rapport du GTDA et 2) la tenue de tels propos dans une cour de justice du Royaume du Maroc sans que la Cour ne s’y oppose, sur l’authenticité de l’engagement de l’Etat du Maroc vis à vis des valeurs défendues par l’Organisation des Nations Unies.

Les membres de l’équipe de défense de Taoufik Bouachrine déplorent également l’illégalité de la décision du juge de la Cour d’Appel d’autoriser l’intervention des parties civiles dans le débat sur la légalité de la détention préventive du journaliste Taoufik Bouachrine. Cette décision est de nature à entacher la confiance en la volonté de la Cour d’appel de garantir une procédure équitable au journaliste Taoufik Bouachrine.

Ils rappellent également que le droit marocain dispose que seuls les jugements exécutoires prononcés par des juges permettent l’incarcération des individus. De plus, seul le juge d’instruction peut ordonner la détention provisoire, tout en garantissant au prévenu le droit de la contester. La détention de Taoufik Bouachrine est ordonnée par simple décision administrative du Parquet et n’a donc aucun fondement légal. C’est ce que rappelle, entre autres, l’avis du GTDA du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

Albane de Rochebrune (A2R Global Comms)

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