Algérie : S’adapter à l'article 102 ?

« Sans perdre de vue le fait que l’on traine encore de conjecture en conjecture, ce scénario, même s’il était bel et bien retenu, pourrait quand même faire long feu au cas où la riposte du vendredi venait à en rejeter le résultat… » globalement et dans le détail ».

Par Mohamed Abdoun

Le Parlement doit donc se réunir, en assemblée générale, ce mardi afin de constater la vacance du poste de président de la République, et de permettre la désignation du président du Sénat en qualité d’intérimaire pour gérer une phase de transition de trois mois, avant lesquels une élection présidentielle devrait avoir lieu. Il s’agit là du scénario le plus conforme à ce que prévoit la constitution, de par son article 102.

Ainsi, si l’on devait poursuivre sur cette voie, il est plus que probable que le président du Sénat va déposer sa démission afin de permettre à une figure moins » grillée » de prendre sa place.

Abdelkader Bensalah, en effet, est unanimement rejeté par les millions de manifestants qui battent le pavé chaque vendredi. Ces derniers, au reste, ont concentré l’essentiel de leurs revendications et de leurs slogans, vendredi passé, à la nécessité de se défaire de Bensalah et, accessoirement de Belaïz et Bedoui.

Le » minimum syndical » consisterait, donc, à donner suite ne serait qu’à une partie de cette revendication en se délestant de Bensalah dès ce mardi, ou même avant, en attendant le verdict de la rue vendredi prochain.

Le fait que le journal El Moudjahid ait décidé d’explorer cette piste dans son éditorial de la veille me semble être un indice assez sérieux concernant le fait que c’est ce choix qui aurait été retenu, dans l’espoir que la rue s’en satisfera aussi. Il devient clair, en tous cas, que les décideurs, qui se contentent de réagir aux imposantes marches du vendredi, lâchent à chaque fois un peu plus de lest à mesure que les manifestations grossissent en nombre et placent plus haut la barre des revendications. Il est, par exemple, bien loin ce temps où le peuple se serait satisfait du départ du président, sans que tout le système ne le suive dans sa chute.

Sans perdre de vue le fait que l’on traine encore de conjecture en conjecture, ce scénario, même s’il était bel et bien retenu, pourrait quand même faire long feu au cas où la riposte du vendredi venait à en rejeter le résultat… » globalement et dans le détail « .

Dans ce cas, et comme le suggèrent déjà plusieurs acteurs politiques, qui donnent plus ou moins l’air d’être dans le » secret des dieux « , il deviendrait plus que nécessaire de briser le carcan inhibiteur de cette constitution, en s’appuyant sur cet article 7 qui veut que toute souveraineté et tout pouvoir soit l’émanation du peuple, et de lui seul.

Ici, plusieurs questions resteront quand même en suspens. La première, et la plus importante sans doute, sera celle de savoir qui en prendra le premier l’initiative, en sachant par avance que l’écrasante majorité des acteurs politiques et figures de proue de la société civile sont favorable à un pareil scénario.

La première réponse qui vient à l’esprit sera bien entendu l’ANP. Celleci, et en ces moments particulièrement délicats et cruciaux pour l’avenir de l’Algérie, est en quelque sorte la garante que la transition se fera sans heurts. Le chef d’état-major, en outre, a maintes fois souligné le fait que l’armée partage l’intégralité des revendications soulevées par la rue. L’armée ne saurait dès lors se soustraire à ce rôle historique, dont la finalité servirait à mener le pays à bon port, en le dotant des institutions et des responsables librement et démocratiquement choisis par le peuple.

Une pareille phase de transition, la plus courte possible, doit en revanche recueillir l’adhésion d’une écrasante majorité, et laisser émerger des figures que ni la rue, ni les acteurs politiques, ne sauraient logiquement rejeter.

Mais, dans tous les cas de figures, les quelques jours à venir s’annoncent cruciaux pour la suite des évènements. L’Algérie, qui se trouve bel et bien à la croisée des chemins, n’a absolument pas droit à l’erreur.
M. A.

Tribune des Lecteurs, 7 avr 2019

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