Algérie : Le pessimisme de la Banque mondiale sur l’économie algérienne

La Banque mondiale, dans son bulletin d’information sur la région Mena, a révélé des chiffres qui traduisent la vulnérabilité de l’économie algérienne, en proie à un déficit qui ne cesse de se creuser et un financement non conventionnel problématique, même si ses effets inflationnistes restent encore assez marginaux.

Le Groupe de la Banque mondiale (BM) a prévu un retour rapide de l’Algérie à l’ajustement budgétaire après la politique expansionniste prônée par l’ancien gouvernement pour doper la croissance économique dans un contexte de baisse des recettes pétrolières. « Le rééquilibrage budgétaire pourra reprendre au second semestre de 2019 », indique la BM relevant qu’il « faudra tôt ou tard mettre un terme au financement des déficits budgétaires par la Banque centrale pour maîtriser l’inflation ».

L’Algérie a donné un coup de frein à l’ajustement budgétaire opéré en 2016-2017, en recourant au financement non conventionnel pour poursuivre le financement des investissements publics avec la baisse des cours de pétrole. La BM précise que ce rééquilibrage budgétaire devrait être suivi d’un léger ralentissement des secteurs hors hydrocarbures sur l’année 2019, neutralisant ainsi une légère augmentation de la production d’hydrocarbures et devrait se traduire par une croissance léthargique. Les recettes des secteurs hors hydrocarbures apporteront une certaine marge de manoeuvre pour réduire l’ampleur des coupes budgétaires. De ce fait, une légère baisse du déficit budgétaire est attendue à 5,1 % du PIB en 2020 contre 4,0 % en 2021.

L’urgence des réformes structurelles

« Ce compromis entre maîtrise des dépenses et accroissement des recettes débouchera sur une croissance amorphe de 1,7 % en 2020 et 1,4 % en 2021 », prévoit le bulletin. Si des réformes structurelles sont menées du côté des subventions du climat des affaires, le déficit courant baissera pendant cette période à 6,8 % du PIB, ce qui le rendra gérable au vu du niveau substantiel des réserves (13 mois d’importations d’ici la fin 2019).

L’effet cumulé du financement monétaire contribuera également à accroître la pression inflationniste, estiment les auteurs du bulletin. L’institution de Bretton Woods qui a abaissé ses prévisions de croissance pour l’Algérie en de 2,5 à 1,5 %, a indiqué s’attendre à une aggravation des déficits budgétaire et courant qui devraient atteindre respectivement 8,5 et 8,1 % du PIB en 2019. « Tout retournement des tendances mondialesdu prix des hydrocarbures compliquera la réduction prévue du double déficit », selon les mêmes projections.

Malgré la politique monétaire expansionniste, l’inflation est restée maîtrisée, baissant à environ 4,3 % en 2018 contre % en 2017, souligne ce bulletin publié à la veille des réunions de printemps de la BM et duFMI. La BM signale qu’a fin janvier 2019, le montant global de monnaie crée au titre de « financements non conventionnels eatteignait 6.556 milliards de dinars, soit 31,1 % du PIB, ce qui est supérieur au montant cumulé des déficits budgétairespour 2017 et 2018 (2.793 milliards dedinars). Cette situation s’explique pardivers emplois  » hors budget  » de ces financements. Les financements non conventionnels ont eu peu d’effet sur l’inflation, les prix de nombreux biens de consommation et du logement étant subventionnés », relève-elle.

Dans le même contexte, la BM note que faute de données, il n’est pas possible de prévoir l’évolution de la pauvreté en Algérie. « Aucune estimation récente des niveaux de pauvreté n’est disponible pour le pays », avance-t-elle. « Il semble néanmoins que l’économie offre des possibilités limitées de réduction de la pauvreté (ou de la vulnérabilité) en raison de la faiblesse de la croissance économique et du niveau chroniquement élevé du chômage », met-elle en avant.

Selon les taux de pauvreté officiels, 5,5 % de la population était considérée comme pauvre en 2010/2011. Mais les taux variaient considérablement d’une partie à l’autre du pays : la région du Sahara et celle des steppes affichaient un taux de pauvreté respectivement deux fois et trois fois supérieur à la moyenne nationale. « Ces estimations sont néanmoins fondées sur un seuil de pauvreté équivalent à moins de 3,6 dollars par jour en PPA de 2011, ce qui est nettement inférieur au seuil de 5,5 dollars par jour utilisé pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure dans les comparaisons internationales », commente la BM.

Même si les pouvoirs publics s’emploient à diversifier l’économie et donner une plus grande place au secteur privé, notamment en attirant des investisseurs étrangers, peu d’améliorations sont prévues à court et moyen termes, ce qui devrait limiter l’ampleur des créations d’emplois, anticipe la BM. Selon les mêmes prévisions, le taux de chômage s’établissait à 11,7 % en septembre 2018, au même niveau qu’un an auparavant, en phase avec la croissanceatone enregistrée en 2018.

Le défi de la résilience

Les groupes de population affichant les plus forts taux de chômage restent les mêmes : 19,4 % chez les femmes et 29,1% dans la tranche des 16-24 ans. Chez les jeunes (16-24 ans), le chômage a progresséde 2,7points de pourcentage avril 2018, détaille le bulletin. La BM conclut que le principal défi pour l’économie est de renforcer sa résilience à la volatilité des prix des hydrocarbures, à la fois en atténuant l’impact de cette volatilité sur le budget et en diversifiant les sources de croissance.

« Les nouvelles tendances mondiales que le changement climatique, les technologies de rupture et l’importance croissante du capital humain confirment que ce défi est à relever d’urgence » soutientla BM. Pour ce faire, il faudra engager d’ambitieuses réformes, dont certaines ont été énoncées par les autorités dans le décret accompagnant le recours au financement non conventionnel dudéficit, recommande cette institution financière internationale.

Par : RIAD EL HADI

Le Midi Libre, 9 avr 2019

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