Algérie : Et maintenant ? Au lendemain des imposantes manifestations contre le prolongement du mandat de Bouteflika

Bouteflika -ou ceux qui décident en son nom- a proposé son idée pour assurer la transition et le peuple a répondu. Une réponse plus clairement déclinée en réalité que ne l’a été la démarche du Président, qui plus est, confiée pour exécution à un personnel issu de ce même sérail dont les Algériens ne veulent plus.

Il ne fait aucun doute que le régime est conscient de ce qui se passe dans le pays, mais pour autant, est-il en phase dans sa démarche avec les revendications du peuple ? La rue s’est chargée de la manière la plus extraordinairement claire à reformuler sa revendication, passant du rejet d’un cinquième mandat au refus du prolongement du quatrième assorti de la fin du régime qu’incarne Bouteflika. Dès lors, quelle suite donneront le président de la République et «son entourage» à cette nouvelle sortie du peuple d’Algérie ?

L’annonce de la nouvelle équipe qui accompagnera le duo Bedoui-Lamamra aura-t-elle de l’étoffe et assez de charisme pour adoucir le sentiment de ces millions d’Algériens qui exigent «irouhou gaâ» (qu’ils partent tous) ? Il est permis d’en douter eu égard à la fermeté du leitmotiv qui a fait sortir, vendredi, les Algériens d’une façon telle que rarement, pour ne pas dire jamais, on en a vu dans le monde.

En fait, les Algériens connaissent trop bien ceux qui les dirigent, assez pour savoir que le pouvoir en place a de la suite dans les idées et, dès lors, il n’allait pas rompre aussi vite que le mouvement a été lancé, le 22 février dernier.

En effet, lâcher dès les premières manifestations n’est pas la marque de fabrique d’un pouvoir rompu à toutes les ficelles, comme ces «coups de maître» qui lui ont permis de parer, dès les toutes premières étincelles, à tout prolongement jusque chez nous du Printemps arabe en 2011-2012.
Alors, quel tour nous préparent Bouteflika et ce fameux entourage qui, de toute évidence, n’ont pas vu le coup venir cette fois, du moins pas de par son ampleur, parce qu’on peut être convaincu qu’ils savaient que les Algériens n’étaient pas aussi enchantés de voir le Président candidater pour un nouvel exercice du pouvoir suprême ? Devrions-nous nous attendre à un nouveau message présidentiel ou bien les «décideurs» mettront-ils une bonne partie de leurs espoirs sur la nouvelle équipe qui sera en charge des affaires du pays en attendant la conférence inclusive promise ?

Et puis, et surtout, comment ces millions de manifestants du genre qui a épaté le monde verront la suite du mouvement ? Un mouvement qui fait de son caractère pacifique une préoccupation majeure, qui lui a permis sans doute de se prémunir contre toute réaction musclée de la police, même si l’on sait, comme le démontrent l’infinité d’images répercutées sur les réseaux sociaux, que dans les rangs des services de sécurité, depuis la toute première manifestation, des policiers rechignent à user de la matraque. En fait, le gros risque qu’encourt le mouvement de protestation réside dans sa longueur, et partant, de la lassitude qui pourrait gagner ces millions de révolutionnaires des temps nouveaux.

Le facteur temps qui, a contrario et jusqu’à une certaine limite, pourrait donner l’air de constituer un atout entre les mains du pouvoir tant que le 4e mandat n’atteint pas la date limite constitutionnellement admise, parce que au-delà, les relations de l’Algérie avec ses partenaires du reste du monde pourraient être vues autrement par ces derniers.

C’est dire donc si tous les antagonistes ont intérêt à ce que la crise ne s’éternise pas et que cet acteur sur lequel tout le monde à l’ouïe tendue, l’ANP, ne soit pas mis dans une inconfortable position, ni avant la fin légale du 4e mandat ni après, c’est-à-dire en plein dans l’anti-constitutionnel, là où l’on se dirige si l’on suit le raisonnement du pouvoir en place, à travers la dernière offre du Président.

Azedine Maktour

Le Soir d’Algérie, 17 mars 2019

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