Algérie : La dictature, la révolution et le France

A RFI (radio France internationale) Le tout nouveau vice-premier algérien déclarait : « Une conférence nationale inclusive indépendante, qui adoptera la nouvelle constitution et fixera souverainement la date de l’élection présidentielle, sera mise en place» et «qu’un gouvernement de compétences nationales sera créé, qui bénéficiera de la confiance de la composante de la conférence nationale».

Ignorant superbement les conditions révolutionnaires qui animent la rue algérienne d’Est en Ouest et du Nord au Sud, le vice premier ministre discoure sur ‘‘l’organisation’’ d’une conférence nationale inclusive. S’il insiste pompeusement sur son côté ‘‘indépendant’’, il occulte totalement toute allusion à la ‘‘souveraineté’’ de ce qui ne pourrait être alors qu’un simple show. Il affirme tout autant, comble de la supercherie, que cette conférence sera gratifiée du pouvoir ‘‘d’adopter’’ la nouvelle constitution, observant un silence complet sur les concepteurs, rédacteurs et du lieu de l’élaboration de cette nouvelle constitution.

Dans la foulée, et sauf un dérapage verbal, la durée de vie du gouvernement Bedoui devrait être donc éphémère puisque un gouvernement de compétences nationales sera créé. Le vice-ministre sait déjà que ce gouvernement bénéficiera aussi de la confiance de la composante de la conférence en question.

Question de faisabilité, serait-il possible d’organiser dans la sérénité cette conférence ‘‘nationale inclusive’’ (compte tenu de la renaissance populaire en cours) ? Auquel cas, qu’elle serait dans les conditions actuelles, ou toute l’opposition épouse les revendications populaires, la composante de cette conférence (nomenklatura et apparatchiks mis à part) ? Quand aura lieu cette conférence sachant que, les juristes sont unanimes sur la question, le 19 avril prochain l’Algérie baignera dans une inconstitutionnalité institutionnelle réelle ? A moins que, et faudrait-il encore croire ce nouveau membre du conseil constitutionnel français, ancien maire de la ville de Bordeaux, très proche des cercles du pouvoir algérien parait-il, qui affirmait que la situation algérienne serait sous contrôle dès la fin du mois de mars conseillant dans la foulée aux autorités de son pays de continuer à soutenir le président Bouteflika.

Le soutien des autorités françaises à leurs homologues algériens est tout ce qu’il y a de plus explicite lorsque dans un communiqué le ministre des affaires étrangères français soulignait solennellement : « Je salue la déclaration du président Bouteflika par laquelle il annonce ne pas solliciter un cinquième mandat et prendre des mesures pour rénover le système politique algérien ».

Il y a lieu de remarquer avec force que l’injonction porte sur les mesures qui devront être prises et qui devront avoir pour vocation la rénovation du système. Le système à vieillit, il faut donc le rénover par une réfection de la façade et c’est dans ce registre qu’il y a lieu d’inscrire cette volonté manifeste du pouvoir algérien à ne permettre aucun partage sur la conception et la gestion d’une transition dont l’inéluctabilité est imposée par le peuple. Les algériens insistent et ne cèderont pas. Ils revendiquent justement et absolument un changement systémique total et entier. Les Algériens revendiquent la liberté, revendiquent la vie, revendiquent le développement, ce qui ne peut se faire que simplement et uniquement à travers l’instauration pleine et entière de l’état de droit.

De son côté, le président français affirmait dans un tweet que : « La jeunesse algérienne a su exprimer son espoir de changement avec dignité. La décision du Président Bouteflika ouvre une nouvelle page pour la démocratie algérienne. Nous serons aux côtés des Algériens dans cette période nouvelle, avec amitié et avec respect. »

Cette grossière supercherie qui consiste à rénover la dictature par un subterfuge cosmétique est considérée donc par le président français comme étant une nouvelle page pour la démocratie algérienne. Il serait à nos côtés dit-il dans cette période nouvelle semblant lui aussi ignorer une jeunesse algérienne ‘‘post indépendance’’ faut-il bien le souligner qui scandait entre autre dans les manifestations des vendredis : ‘‘France, il n’y aura pas de cinquième mandat (ya frança makache 3ohda khamssa) dénonçant avec force une tutelle vampirique comme l’a si bien souligné le vice-président du conseil italien ou encore cet homme politique belge. Ici aussi, il y a lieu de rendre un hommage prononcé à la maturité politique de la jeunesse algérienne qui dénonce ainsi avec force le néocolonialisme avéré de l’ancienne puissance coloniale et forcément donc en parallèle cette étrange et pleine soumission à peine voilée des tenants du système politique en exercice dans notre pays et dont les autorités françaises craignent la chute.

Les Algériens n’ont aucun doute sur le sujet. Ils savent que pour s’affranchir de la tutelle française et donc se réapproprier leur indépendance, ils sont dans l’obligation préalable de s’affranchir du système répressif, corrompu, opaque et sclérosant (ainsi décrit par le journal londonien ‘‘The Guardian’’) qui gouverne le pays. Les manifestations en cours, d’algériens de toutes catégories et de toutes tendances confondues à travers l’ensemble du pays et par millions ont un sens profond et une légitimité indéniable. Elles s’exercent malgré toutes les provocations, pacifiquement et dans le calme, appréhendant néanmoins l’alignement et peut être tout autant l’avertissement de cet ‘‘ami’’ du président algérien (ainsi se définit-il lui-même) qui dans le sillage de l’ancien premier ministre Ouyahia ose la comparaison entre les événements en cours en Algérie et le drame syrien. Ce dernier aurait commencé avec des roses avant de finir dans le sang faisant et taisant étrangement l’impasse sur l’entière responsabilité et l’entêtement du pouvoir syrien à garder le pouvoir à l’encontre de la volonté populaire au prix de 300 000 morts et de la destruction de la Syrie.

Lakhdar Brahimi commence mal son retour aux affaires et sera tout autant comptable d’un dérapage sécuritaire éventuel en Algérie que la communauté internationale ne saurait accepter elle qui soutient le droit du peuple algérien à l’expression libre à travers ses manifestations pacifiques.

BARKAT Rachid

DJEDDOU Mayara

Le Quotidien d’Algérie, 14 mars 2019

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