Antisémitisme : la France d’en face

a France d’en bas regarde la France d’en haut. Et la France d’en haut ne regarde pas la France d’en bas. Laquelle des deux se bat pour la sauvegarde de l’autre ? Une chose est sûre : aucune des deux n’a réussi à obtenir la garde des enfants. Car aucune ne peut la garantir. L’assurer en rassurant ou rassurer en l’assurant. La France a du mal à réconcilier ses enfants avec sa propre enfance à elle. Nostalgique, elle se regarde de bas en haut et de haut en bas, en se leurrant et en pleurant sur les enfants perdus de la nouvelle République.

Entre les traces qui s’effacent, ses problèmes avec les races et ses luttes de classes, elle est de guerre lasse. Elle est en quête de Grâce. Elle est trop petite ou le miroir est trop grand, ou le contraire, c’est selon. En tout état de cause, il y a disproportion. Peut-être même que son miroir n’est pas assez réfléchissant. Ce qui expliquerait pourquoi ses jugements ne sont pas déterminants. Elle se trompe sur elle- même énormément. Elle préfère encore se mentir que se trahir. Se voiler la face, que supporter le voile. Et pour coller à l’actualité, disons qu’elle va jusqu’à s’israëliser pour ne pas s’islamiser, se décolorer pour ne pas s’africaniser ; s’abuser pour ne pas s’arabiser.

Et elle n’arrive pas encore à réaliser qu’elle s’irréalise ou se déréalise en s’idéalisant.

Parce qu’en vérité, la France refuse de se regarder en face. Il suffit qu’elle le fasse pour réaliser qu’elle est déjà un peu, beaucoup, éperdument, africanisée, arabisée et islamisée. Christianisée, elle le fût, judéisée, elle le tut, mais islamisée, elle ne l’a jamais voulu. Or, elle l’est, au présent de l’indicatif, mais ne veut toujours pas se représenter l’impératif.

Ce ne sont pas des communautés sans importance dont il s’agit là, mais des sensibilités qui s’agitent ici en elle. De nouvelles âmes qui l’animent et l’abiment quand elle feint d’ignorer que ses fameux quartiers font partie du pays tout entier.

Elle n’est pas, comme on le dit, traversée par des courants contradictoires, mais juste contractée, comme une femme qui s’apprête à accoucher, et qui confond ses contractions avec ses contradictions parce qu’elle ne sait pas encore de quelle couleur sera son enfant, quelle sera sa religion et quel sera son coefficient de rayonnement. Une seule certitude : il sera français de couche, et non de souche. Douche écossaise, pour une souffrance typiquement française. Souffrance qui a un double sens : elle est chrétienne et laïque en même temps, monarchique et anarchique en même temps, sémite et antisémite en même temps, aryenne et palestinienne en même temps, musulmane et profane en même temps, arabe et anti-arabe en même temps. Maladie chronique et anachronique en même temps.

C’est la France…au présent, même si elle ne veut pas faire acte de présence.

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