Présidentielle 2019 : à quand un Juan Guaido algérien ?

Ahmed Ouyahia dans sa conférence de presse s’est montré très confiant en confirmant que Bouteflika se présentera et mènera une campagne électorale par procuration.

La coalition qui soutient la continuité a jugé après mûre réflexion qu’elle n’a pas d’opposants crédibles pour influencer son électorat formé par l’armée, les corps constitués, les fonctionnaires et les nombreux assistés qu’il a indirectement insulté en critiquant le recours excessif à l’Etat.

Pour une fois, il n’a tort car il est dans rôle puis défend son groupe. Pour comprendre tout cela faisons une comparaison avec le Venezuela.

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La destinée politique du peuple vénézuélien semble similaire à celle de celui Algérien et incite à s’en inspirer. Après un pouvoir militaire qui a duré jusqu’au 1958, ceux qui ont repris le flambeau du libérateur de nombreux pays du sud américain Simon Bolivar ont échoué, principalement du côté économique.

Le socialisme du 21e siècle que prônait le chavisme s’est avéré et les nombreuses crises l’ont prouvé, un populisme qui a favorisé le transfert des richesses vers une minorité contre laquelle les leaders politiques ne pouvaient que s’en accommoder en distribuant des miettes pour une populace avide de l’assistanat mais permet d’assurer une paix sociale pour la continuité.

L’oligarchie pousse à travers des artifices déstructurés pour empêcher la diversification de l’économie, sa régulation par le marché informel afin de continuer à sucer la rente pétrolière uniquement à leur profit sans aucune vision stratégique. Ce qui est plus grave, leur richesse se mesure par la vulnérabilité de l’économie nationale. Plus la crise persiste, plus elle en tire profit.

Le Venezuela comme l’Algérie et bien d’autres pays producteurs de pétrole ont souffert de la diminution du prix du baril, notamment celle de 2014. Comme ils n’ont pas tiré de leçons des crises précédentes, cette dernière leur a été fatale. Si pour l’Algérie, le manque d’endettement extérieur, le matelas des réserves de changes lui ont donné un répit qui peut rompre à chaque moment en fonction de ce qu’on fait d’une cinquantaine de milliards d’équivalents dollars distribués sous la forme non conventionnelle et surtout le rembourser à la Banque d’Algérie, le Venezuela n’a pas eu cette chance avec la mort subite de l’initiateur du chavisme en 2013 et une continuité malmenée par son fils spirituel Nicolas Maduro.

S’il est vrai que la situation depuis pratiquement le début 2015 est devenue intenable pour une population dont le pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader pour les mettre dans une phase de famine certaine.

Pour la quatrième fois depuis la baisse du prix du baril de pétrole, le président Nicolas Maduro a augmenté le salaire minimum des Vénézuéliens. Il est passé 1er juillet à 3 millions de bolivars, contre 1 million depuis le 1er mai.

A cette somme s’ajoute un bon alimentaire mensuel pour une valeur de 2,2 millions de bolivars. Le 1er janvier, le smic atteignait 250 000 bolivars. La spirale inflationniste qui dévaste l’économie du pays rend inutile toute tentative de conversion. Le gouvernement garde secret les chiffres de la hausse des prix, que des sources extérieures (Banque mondiale ou Fonds monétaire international) situent à 2 700% pour 2017, avec une prévision à 1000 000% pour 2018.

La même banque annonce 10 000 000% fin 2019.Trois millions de bolivars, c’est le taux du dollar américain au marché noir. Un mois de salaire minimum équivaut donc à moins d’un euro. C’est bien sûr insuffisant pour s’alimenter pendant un mois. Suivant les témoignages, cette somme permet d’acheter deux bouteilles d’huile, ou un kilo de poulet, ou une douzaine d’œufs.

Trois millions de bolivars, c’est dans de nombreux cas moins que le budget transports pour se rendre à son travail. L’hyperinflation transforme la vie quotidienne en casse-tête à tous les niveaux. Les billets en circulation ne suffisent plus. Les distributeurs des banques les accordent au compte-gouttes : on ne peut retirer que de quoi s’acheter un café. Et souvent, après une longue attente. Résultat : Ne pas manger à sa faim, a fait perdre au vénézuélien moyen plus de 8,7 kg de son poids.

Cette situation extrême, au demeurant pas inédite puisque l’Allemagne l’a connue en 1923 et plus récemment la Zimbabwe en 2000, a donné à réfléchir à ce peuple meurtri par les crises pour en sortir définitivement en posant des questions simples même s’il s’attend à des réponses complexes en assumant les effets secondaires. Faut-il continuer la démarche chaviste ou la changer vers une autre plus libérale. Cette dernière aura un coût mais permettra de libérer l’esprit d’initiative et de créativité quitte à sortir du tabou de «l’impérialisme américain» pour ouvrir le capital de la principale compagnie pétrolière PDVSA et sa filiale Citgo activant dans le raffinage du pétrole lourd aux Etats Unis notamment dans la Louisiane, l’Illinois et le Texas.

Deux démarches, deux populations s’affrontent à quelques exceptions prés pacifiquement pour imposer démocratiquement sa vision stratégique. Le pouvoir actuel qui a fêté hier vendredi 2 février 2019 les vingt ans de chavisme et un jeune de 35 ans qui symbolise la vrai rupture avec le système fortement soutenu par la jeunesse facebookeuse. Il le fait sans complexe même si on le traite de manipulé par les américains. Juan Guaido dont il s’agit est pour une approche progressivement libérale.

L’opposition vénézuélienne qu’il guide est d’abord réelle et structurée autour de deux principaux partis politiques : Primero Justicia, auquel M. Guaido appartient, et Voluntad popular. Il s’agit de deux partis jeunes, créés sous Chavez.

Les racines du premier plongent dans l’histoire la démocratie chrétienne vénézuélienne et le second se définit comme un mouvement de rénovation de la social-démocratie. Ils ne revendiquent pas cet héritage, et, pour eux, l’idéologie n’est pas un facteur déterminant pour les partis d’opposition. Leur composante politique est formée de technocrates ayant pour beaucoup fait des études à l’étranger, modérément libéraux en matière économique et désireux de retrouver un fonctionnement démocratique normal.

Mais surtout, c’est un personnel politique jeune qui n’a connu que les chavistes au pouvoir, depuis 1998. On peut dire qu’ils leur donnent un coup de vieux. L’opposition n’a de toute façon pas d’autre choix que de s’appuyer sur de nouveaux visages, puisque ses responsables les plus chevronnés sont soit en prison, soit en résidence surveillée, soit en exil. Juan Guaido est le symbole de l’opposition, mais ce statut lui est tombé dessus par hasard. Depuis qu’il a obtenu la majorité à l’Assemblée nationale, en 2015, et que cette institution a perdu tout pouvoir, les deux principaux partis de l’opposition y assurent une présidence tournante.

Quand le moment a été jugé opportun pour que le président de l’Assemblée nationale revendique la tête de l’Etat en niant toute légitimité de Nicolas Maduro, c’est M. Guaido qui occupait ce poste. Il faut donc relativiser les liens de l’opposition vénézuélienne avec des Etats étrangers hostiles au pouvoir de Maduro. D’abord parce que la loi de financement des partis politiques ne permet pas à ces formations d’être financées par des acteurs extérieurs. Par ailleurs, l’opposition qu’incarne Guaido est une opposition de dialogue qui rejette l’option militaire. Ce qui est inquiétant c’est que les Etats-Unis paraissent prêts à tout. S’il ne parvient pas à avancer pacifiquement, Guaido risque de se faire déborder par des extrémistes qui prient pour une invasion extérieure ou pour un coup d’Etat. Tout le monde y perdrait. Il sera impossible de reconstruire la démocratie après cela.

En conclusion, le conflit si on peut l’appeler ainsi ne se limite pas un problème de ventre comme veut le prendre Trump mais existentielle. Il s’agit d’un tournant au Venezuela. Ou on continu et c’est le chao cyclique ou on change carrément à 360°, on souffre les premières années mais on assure une prospérité pour les générations futures. Pour cela, il faut de l’audace politique, de l’ambition et des aspirations qui ne peuvent venir que d’un jeune mais certainement pas de retraités issus du système lui-même. A bon entendeur !

Auteur
Rabah Reghis

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