Maroc: Fuir ou mourir (poème de Youssef Jebri)

Fuir ou mourir

Longtemps présenté comme un havre de paix,
Le Maroc vit désormais
Dans la peur des attentats
Perpétrés au nom d’Allah.

C’en est fini de l’époque
Où l’on qualifiait le Maroc
De pays sans risque terroriste
Ni menace islamiste.

Bien sûr que la misère,
Le chômage, l’absence de foi en l’avenir
Et une vie sur terre qui s’apparente à un enfer
Poussent certains à se porter candidats au martyre.

Forts de leur foi,
Ils franchissent le pas.
L’abdomen sanglé de TNT,
Ils blessent, tuent et meurent en se faisant exploser.

Mais ceux-là oublient
Que la vie n’a pas de prix
Et que si dieu existe,
Il réprouve assurément les actes nihilistes.

Les kamikazes ne sont pas les seuls à se suicider.
Pour signifier leur rejet de l’altérité et de cette société
Qui demeure toujours favorable aux riches et aux forts,
De nombreux autres Marocains se donnent la mort.

Des diplômés chômeurs s’immolent,
Pendant que quelques-uns
Qui refusent que leurs rêves ne s’envolent,
Entament des grèves de la faim.

Chaque année des milliers de Marocains,
Jeunes, vieux, hommes, femmes, sans distinction,
Espérant vivre de meilleurs lendemains,
Tentent le pari risqué de l’émigration.

Avec ou sans visa, ils fuient le pays,
Rien ne peut les arrêter,
Pas même les barbelés et la Méditerranée.
Illusoire moyen de réussir dans la vie.

Sont-ils pour autant heureux dans leur nouvelle vie ?
Lorsqu’ils croient être arrivés à bon port,
Leurs espoirs s’évaporent.
Ils deviennent nostalgiques à force de penser au pays.

Le racisme et la solitude de l’exil
Mettent en péril
Leurs aspirations à un nouveau départ.
Ils sont partis mais ne sont arrivés nulle part.

Kamikaze ou clandestin,
Hey, toi le Marocain, choisis ton chemin.
Tu veux rester là, alors contente-toi
De ce que tu as et tais-toi.

© Youssef Jebri

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