Maroc: De Hassan II à Mohammed VI

Publié le 29 août 2015 par Yves-André Samère

Elle est très étrange, cette histoire de chantage dont on prétend qu’il a été exercé contre le roi du Maroc, Mohammed VI, par deux journalistes français plutôt considérés comme sérieux, Éric Laurent et Catherine Graciet, qui avaient déjà publié, en 2012, un livre terrible sur ce personnage, Le roi prédateur – que j’ai lu.

Je ne sais pas grand-chose d’autre sur Catherine Graciet, mais Éric Laurent s’était fait connaître notamment en interviewant pour un livre (La mémoire d’un roi : entretiens avec Éric Laurent, chez Plon, en 1993) le père de M6, le très sanglant Hassan II.

Rappelons à ceux qui n’étaient pas là que, tout en étant un politique adroit et n’ayant jamais commis aucune erreur de calcul, Hassan II fut un abominable assassin, qui faisait torturer ses opposants dans les caves de la Sûreté à Rabat, et qui, après un attentat fomenté par son ministre de l’Intérieur, le général Oufkir, non seulement fit exécuter ce dernier – on dit même que c’est lui qui le flingua, au palais de Skhirat –, mais envoya au bagne toute sa famille : la mère, deux filles, deux garçons dont un de trois ans et demi, et une cousine. Puis il fit raser leur maison.

Qualifié de « petit fanfaron du crime » par l’écrivain français Gilles Perrault, qui raconta cette affaire dans un livre, Notre ami le roi, il eut le culot d’admettre tous ses méfaits le 13 février 1998, en recevant avec une grande publicité une délégation d’Amnesty International.

Eh oui, on critiquait peu Hassan II, car il invitait souvent les journalistes français, les hébergeant dans le plus bel hôtel d’Afrique, la Mamounia de Marrakech, dont il était propriétaire, et organisant pour eux de somptueuses fêtes (son fils continue dans cette voie).

Reconnaissant tout, la sinistre prison de Kenitra, le bagne de Tazmamart, l’emprisonnement de la famille Oufkir, mais faisant l’impasse sur la disparition des Sahraouis, il eut ce mot extraordinaire lorsqu’on l’interrogea sur Oufkir et la famille innocente emprisonnée plus de vingt ans : « Tout chef d’État a son jardin secret ».

Un jardin secret ! Cet accès soudain de poésie au royaume de l’horreur incite à se ressouvenir du poème de Théodore de Banville, La ballade des pendus (et non, ce n’est PAS de François Villon !), que mit en musique Georges Brassens. Cette ballade, qui visait le roi Louis XI, lequel avait la pendaison facile avec ses opposants, se termine sur ces quatre vers : Prince, il est un bois que décore / Un tas de pendus enfouis / Dans le doux feuillage sonore : / C’est le verger du roi Louis.

(Signalons que, de la famille Oufkir, qui n’avait rien à se reprocher car on n’est pas responsable d’avoir un père comploteur, tortionnaire et assassin, deux membres, le garçon le plus jeune et une de ses sœurs, réussirent à s’évader, parvenant à téléphoner à l’avocat de la famille, maître Georges Kiejman, à Paris, lequel a révélé le scandale… avant que les deux jeunes soient repris par la police marocaine et renvoyés au trou pour quelques années supplémentaires. Le Maroc, c’est ça, avant tout)

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