Gabon, « un exemple d’entité néo-coloniale qui frôle la caricature »

Le journal sudafricain Mail&Guardian résume les raisons qui ont fait échouer la tentative de coup d’État au Gabon en se basant sur le livre à paraître prochainement de Martin Revayi Rupiya, directeur exécutif de l’Institut africain des politiques publiques et de la recherche. De cet article, plusieurs vérités sont á souligner :

– Après la crise d’octobre, 44 partis politiques de l’opposition ont appelé le 23 novembre à la constitution d’un gouvernement intérimaire, au cours duquel la constitution et les institutions du pays sont réformées afin de surmonter le legs dynastique bongo régressif.

– La France, ancienne puissance coloniale, maintient un partenariat privilégié avec le Gabon, dont les caractéristiques contradictoires se sont intensifiées au cours de l’ère postcoloniale.

– Le coup d’État a été rapidement repoussé par les forces expéditionnaires résidentes française et marocaine de près de 900 personnes, y compris les troupes de l’ethnie Beteke, soigneusement sélectionnées dans le clan Bongo dans la région du Haut-Ogooué au Gabon.

– La légitimité constitutionnelle du gouvernement gabonais est devenue discutable après l’effondrement de Bongo à Riyad, en Arabie saoudite, le 24 octobre dernier. À ce moment-là, les représentants du gouvernement à Libreville avaient refusé d’invoquer les dispositions constitutionnelles des articles 13 et 16 qui auraient permis au président de l’Assemblée nationale de devenir le chef par intérim, avec un mandat limité d’organiser des élections dans un délai de 45 jours. Les responsables sont restés silencieux sur l’état de santé de Bongo et, sous ordre du Premier ministre Emmanuel Issoze-Ngondet, et sous les auspices de la belle-mère des Bongos et présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, ont présenté un nouveau amendement à la Constitution, prévoyant une «indisponibilité temporaire» illimitée du chef de l’Etat. Cela a permis au vice-président Pierre-Claver Maganga Moussavou d’assumer un contrôle limité du secteur public et de la prestation des services.

– Les tentatives de coup d’Etat successives ont échoué car le Gabon est resté un quasi-État avec peu ou pas de contrôle national. Le Gabon est important pour la France car il possède une élite politique flexible, dont le rôle principal est de faciliter l’exploitation des ressources naturelles et minérales. De ce fait, le pays a permis à l’objectif stratégique de Paris de développer une capacité nucléaire indépendante en s’appuyant sur les gisements locaux d’uranium, de fer et de manganèse et sur d’autres gisements lucratifs.

– Depuis les années 1970, le Gabon est devenu le quatrième producteur de pétrole en Afrique et dispose de vastes réserves de bois provenant de la «deuxième forêt amazonienne» du monde. Michael Reed et Tony Charter déclarent dans leur article paru en 1987 dans « Gabon: Une enclave néo-coloniale de la persistance des intérêts français, que le pays est resté un pseudo-État « représentant un cas extrême d’entité néo-coloniale frôlant la caricature ».

– Le mandat du corps expéditionnaire militaire français résident est de renforcer le contrôle politique de l’État et de protéger les 8 900 ressortissants français qui se sont inscrits à l’ambassade et qui travaillent au Gabon.

– À la mort d’Omar Bongo en 2009, il a laissé derrière lui 53 enfants «officiellement reconnus», selon le Rapport spécial sur les services de renseignement africains du 16 janvier 2015. Cette classe de compradores continue de diriger l’État tout en s’en nourrissant, de sociétés d’État et de sociétés commerciales et entités associées.

– Obiang et le reste des 44 partis politiques de l’opposition ont des raisons de croire que «tout le système doit être réformé» pour restaurer la démocratie au Gabon. Si les problèmes de fond du coup d’État manqué du 7 janvier ne sont pas résolus, des tentatives plus courageuses pour changer le système en difficulté seront sans doute tentées.