Gabon : Nous nous posons des questions

Depuis les événements du 7 janvier, je me suis abstenue de donner mon opinion sur “la tentative de coup d’état” du sieur Kelly Ondo Obiang pour avoir le temps de réunir le maximum d’informations sur le sujet, de les recouper, les analyser, les confronter, les comparer pour en faire un corpus fiable pour la rigueur et la crédibilité de mes propos.

Plusieurs de mes compatriotes, des africains et autres m’ont aussi vivement interpellée pour que je donne un éclairage sur ce malheureux événement en tant que spécialiste de ces questions, c’est à dire les situations ante crise, crise et post crise…

Tout simplement, ils voulaient comprendre ce qui s’est passé à Libreville ce jour-là.

Je vais donc donner mon humble avis en tentant de faire la lumière sur ce point d’ombre confus.

Durant mon séjour à l’Ecole militaire de Saint Cyr Coetquidan à Guer en Bretagne, j’ai régulièrement livré mon esprit à la gymnastique de la connaissance militaire, des phénomènes de guerres, de crises…

Ce qui m’a permis d’être outillée dans ces domaines. Dans cette quête de connaissance militaire, mon cogitum a été attiré par deux ouvrages dont l’un va me permettre de mieux exposer ma réflexion sur cette fameuse “tentative de coup d’état” du 7 janvier :

Il y a l’ouvrage “Mein Kampf” d’Adolph Hitler. Je voulais comprendre comment un personnage dont on ne soupçonnait aucune prédisposition à diriger ce grand Etat bismarkien, l’Allemagne a réussi à faire pénétrer dans l’esprit de tout un peuple ses idées démentielles jusqu’à les emmener à y adhérer et à mettre en pratique sa théorie du chaos.

Il y aussi un ouvrage peu commun qui m’a permis de mieux analyser les situations de coups d’états que je cherchais à comprendre à l’époque. C’est l’ouvrage “coup d’état mode d’emploi” d’Edward N. Luttwak.

Je me suis donc replongée ces jours-ci dans ce document pour comprendre et mieux cerner le personnage principal de ce scénario et son acte. Parce que, je vous avoue que je n’y comprenais rien.

Après avoir pris du recul en mettant une distanciation entre le sujet et moi, en me dépouillant de tout sentiment et émotion dû au rapprochement entre l’objet et moi en tant que citoyenne gabonaise donc concernée et loin de toute passion politique, j’ai cédé la place à l’analyste et la scientifique. C’est ainsi que j’ai dégagé plusieurs postulats.

J’ai aussi pris le temps d’essayé de cerner la personnalité de l’acteur principal du coup d’état, Kelly Ondo Obiang par quelques rapides renseignements et en analysant scrupuleusement sa page Face Book.
Il semblerait qu’il avait décidé d’appliquer la théorie de Montesquieu selon laquelle : “il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir”.

J’ai pu y déceler qu’il semblerait être un bon homme d’armes, passionné par l’art militaire, nourrissant un idéal militaire, ayant reçu une formation acceptable dans le domaine, courronnée par de bons et sérieux résultats.
Ce qui a le plus attiré mon attention et qui fait de lui un militaire particulier c’est son admiration pour les héros militaires de notre pays comme le colonel Djoué Dabany, le capitaine Ntchoréré et des stratèges militaires comme Napoléon Bonaparte.

Ayant appris dans ma formation sur les renseignements qu’on peut déceler la psychologie d’un individu à travers ses écrits, j’ai pu déduire à travers les écrits du lieutenant Ondo Obiang que ce serait un personnage psychologiquement équilibré, conscient, rigoureux et minutieux dans son rôle de militaire.

Après avoir fait ce constat, je me suis alors posée les questions suivantes :
-comment un militaire aussi aguerri a-t-il pu limiter son coup d’état à la prise des locaux de la télévision nationale ?

Je sais que dans ma formation, j’ai appris que dans un coup d’état les étapes principales consistent à neutraliser et mettre hors d’état de nuire ou avoir sous sa coupe les principales personnalités de l’Etat, les responsables de chaque corps de la sécurité et la défense pour en avoir la main mise, et aussi la prise et le contrôle de certains points stratégiques de la capitale et du pays…

Le coup d’Etat de 1964 en est l’illustration. Les principaux auteurs : les lieutenants Valère Essono et Mombo s’étaient d’abord assurés de la neutralisation du Président Léon Mba, du président de l’Assemblée nationale, certains ministres et autres hautes personnalités de l’Etat…

Ils se sont aussi garantis le contrôle des forces de sécurités et de défense qui n’ont fait que soutenir et entériner leurs actes. C’est d’ailleurs ces forces qui ont lutté contre l’armée française lors de leur intervention…
Ce n’est qu’après cela qu’ils ont informé le peuple sur les ondes de la radio nationale de l’époque de la réussite de leur coup d’état et des prochaines étapes.

Bref, sans vouloir revenir sur le coup d’état de 1964, je voulais juste montrer que c’était le minimum dans un coup d’état et qu’un simple militaire pouvait y penser.

-Comment un militaire former dans l’atmosphère rigoureuse de la GR, assurant la sécurité présidentielle a pu concocter un scénario sans stratégie sérieuse et avec autant de légèreté ?

Un scénario digne des jeux de guerre de mon fils de 8 ans ?

-Comment a-t-il pu risquer sa vie et celle de ses frères d’armes lorsqu’il sait que dans le code militaire, la cour martiale prévoit des peines lourdes allant jusqu’à la peine de mort pour ce genre de cas ?

Je n’ai donc rien compris dans ses stratégies.

A qui aurait profité ce stratagème ridicule, burlesque et rocambolesque ?
Après plusieurs questionnements restés sans réponses j’ai été emmenée à 2 déductions :

-soit le lieutenant Ondo a monté ce scénario avec la complicité des personnes de l’ombre dont on ne maitrise les objectifs, pour faire croire à un véritable coup d’Etat,

-soit c’est vraiment un piètre stratège militaire

Dans le premier cas qui est plus intéressant ici, le sort des gens qui tiennent ce rôle est souvent malheureux. Car les invisibles finissent souvent par s’assurer que leur identité et leurs objectifs ne soient jamais dévoilés.

Souvenez-vous de ce qui est arrivé au fameux Lee Harvey Oswald qui a assassiné J F Kennedy sous la demande et la complicité des invisibles puissants politiques américains. Il a été à son tour assassiné pour qu’il ne dévoile pas les véritables commanditaires de l’assassinat.

Tout ce que je peux dire dans ce floux c’est:

NON LUDERE CUM CAUDIS TITIONUM FUMIGANTIUM POPULI

Mireille Flore MENGUE MOTO,
Spécialiste des questions de sécurité et défense en Afrique

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