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Maroc: Pourquoi les revenus des citoyens doivent être augmentés

Pourquoi l’Etat et les patrons doivent augmenter les revenus des Marocains.

La refonte urgente, péremptoire, radicale du modèle social n’attendra pas un mandat ou deux, une commission ou deux. Son urgence n’évolue pas au rythme soporifique d’un chef du gouvernement amolli par les vertus anesthésiantes d’un cachet de lexomil. Elle doit être fortement poussée, impulsée un cran au-dessus. Car, à moins d’un tournant du « care », ce château de cartes qui est le nôtre, fait de bric et de broc, d’improvisation et de rafistolage, volera en éclat.

La colère des marginaux marqués dans leur chair au fer rouge des négligences, souffrant de ne pouvoir se projeter dans l’avenir, il faut le redouter, touchera à son pinacle. L’onde de choc ébranlerait sans distinction aucune riches, pauvres, moyens, rentiers, Malinocrates et honnêtes hommes, patriotes « show-off » comme fieffés « nihilistes ». La réforme salvatrice, celle qui possède en soi la capacité de désamorcer, ici et maintenant, ce scénario catastrophe impliquera une augmentation sans précèdent de la dépense publique, le redéploiement de la ressource vers la maladie, la vieillesse, l’invalidité, le chômage, l’école et l’hôpital, le revenu minimum revalorisé. Mais ce changement fondamental de paradigme ne pourra être le seul fait de l’Etat. Le patronat devra y prendre ses responsabilités.

Sérieusement.

Pendant des années, celui-ci a bénéficié d’un cadre d’enrichissement idéal : main-d’œuvre bon marché, stabilité politique, exonérations fiscales importantes, contrats Anapec, emplois aidés précaires, statut de l’exportateur, IS progressif, détricotage programmé du Code du travail, déréglementation tous azimuts, affaiblissement des centrales syndicales, fin du socialisme, disparition graduelle de toute régulation, commande publique homérique… A l’entreprise, on a déroulé le tapis rouge moyennant une condition une seule : l’emploi. Il lui fallait se rendre vigoureuse, compétitive en investissant dans son appareil productif et, partant, assurer les conditions d’un décollage économique, d’une croissance forte et pérenne. L’Etat s’est damné pour faire naître cette proverbiale « confiance » de l’investisseur, y éclusant l’essentiel des marges budgétaires.

Or, depuis 2012 seulement 204.000 emplois sont nés, aux forceps. Rapporté à l’investissement public et aux niches fiscales, chacun de ces emplois aura coûté 2,6 millions de dirhams au contribuable. L’Etat, que cela soit dit, subventionne une sphère privée apathique. Toutes ne sont pas à mettre à l’index, mais les entreprises ont failli à leur mission. Par opportunisme, par médiocrité stratégique, par amour du gain rapide, elles ont engrangé les profits sur le dos brisé du labeur quasi gratuit, oubliant de sophistiquer leurs produits, oubliant de rémunérer correctement leurs armées de salariés sous-smicards, oubliant de remporter le défi de la mondialisation.

Les conséquences sont brutales : un taux d’emploi de 42 % , un chômage rampant, des jeunes livrés à eux-mêmes, oscillant entre larcins et psychotropes. Beaucoup de capitaines d’industrie, héritiers, grâce à la Marocanisation, de grands groupes datant du protectorat ont usé le filon jusqu’à la lie pour, en bout de course, brader leurs actifs, vider leur personnel (des familles entières comptant sur la prescience du PDG-stratège pour subsister) spéculer sur leur foncier et couler des jours heureux, mais forcément coupables, à Marbella, leur butin accumulant de l’intérêt dans un compte numéroté à l’île de Jersey. Honte !

Réda Dalil

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