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Sahara Occidental: Rabat dérape sur l’Algérie et perd son langage diplomatique

La désignation par l’Union africaine d’un envoyé spécial pour le Sahara, le 1er juillet dernier, n’est pas du goût du Maroc qui relance ses attaques contre l’Algérie en l’accusant de saper son « intégrité territoriale ». Jeudi dernier, lors d’une réunion à Rabat avec des parlementaires des chambres des représentants et des conseillers, le chef de la diplomatie et de la coopération marocain, Salaheddine Mezouar, l’a fait savoir en utilisant des termes violents, sortant du langage diplomatique d’usage.
Pour M. Mezouar, qui a été coupable d’un véritable écart de langage diplomatique, l’attitude de l’Algérie sur le Sahara occidental est « minable ». Selon lui, ce n’est pas l’Union africaine -dont le Maroc n’est plus membre depuis 1984 – qui est derrière la désignation de l’ancien chef d’Etat mozambicain, Joachim Chissano, en tant qu’envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental, mais notre pays. « L’Algérie, a-t-il fulminé, utilise tous les moyens financiers et logistiques pour contrecarrer les efforts du Maroc visant à trouver une résolution » au conflit. « La dernière chose a été la désignation de cet envoyé spécial de l’Union africaine. (…) Quand on voit les tentatives du régime algérien pour contrer nos efforts, nous constatons que les méthodes utilisées sont vraiment minables », a-t-il dit. « Notre conflit aujourd’hui n’est pas avec le Polisario, mais avec l’Algérie », a-t-il enchaîné. Le ton pour le moins cocardier qu’il a utilisé est somme toute ordinaire pour les familiers du dossier sahraoui et du discours des autorités marocaines sur l’Algérie à ce sujet. Il annonce toutefois des jours d’autant plus difficiles que Rabat, via son ministre des Affaires étrangères, admet non sans dépit que sa thèse de l’autonomie des territoires sahraouis sous souveraineté marocaine, qu’il défend depuis 2007, a perdu des points importants sur le plan international et aux Nations unies en particulier.
Le rapport 2014 de l’ONU sur le Sahara occidentale est selon lui « déséquilibré de manière flagrante». Il fait la part belle à la cause sahraouie et porte, a-t-il dit, des « dérives dangereuses » concernant « les éléments du conflit » et « le mutisme fait autour de la responsabilité de l’Algérie » dans ce dossier. M. Mezouar s’offusque que le dossier mette « sur pied d’égalité un état souverain, membre des Nations unies et une entité factice », allusion belliqueuse faite au Polisario. Qui, faut-il le rappeler, a regagné en audience et en visibilité internationale durant cette année et l’année précédente, en multipliant les initiatives de dénonciation de la situation faite aux droits humains et à l’exploitation illégale des ressources naturelles dans les territoires sous domination marocaine. Le Polisario et l’Algérie, qu’il n’oublie jamais de présenter comme les seuls et véritables adversaires du Maroc alors qu’il s’agit d’un problème de décolonisation – parmi les plus anciens à l’ordre du jour des instances onusiennes-, ont recours, dit-il, « au front non gouvernemental » des Parlements, des médias et des sociétés civiles. Ils se « focalisent sur des sujets comme les droits de l’Homme et les ressources naturelles » et jouent « le rôle de la victime en ayant recours à de nouvelles/anciennes techniques telles les manifestations et les mobilisations des coordinations et des associations amies… »
Succès des Sahraouis et une année 2015 décisive
M. Mezouar faisait allusion aux succès diplomatiques des indépendantistes sahraouis en Europe, en Amérique latine et surtout aux Etats-Unis où le travail effectué en 2012-2013 par la fondation Robert F Kennedy, qui a publié à Washington un brûlot sur la violation des droits de l’Homme dans les territoires sous contrôle marocain, a alerté de nombreuses personnalités politiques et parlementaires américaines.
L’audience du rapport a inspiré en 2013 un projet de résolution américain condamnant les autorités marocaines et les appelant à se soumettre à un contrôle plus rigoureux en termes de respect des droits de l’Homme au Sahara occidental. Le texte a été retiré à la dernière minute, mais son caractère inédit aux Etats-Unis, pays considéré comme un soutien inconditionnel au Maroc, a eu l’effet d’un choc. Une année après, le ministre marocain des Affaires étrangères continue d’en parler pour annoncer que son pays dispose d’une « stratégie parallèle et anticipative aux contours clairs et bien définis », combinant « diplomatie officielle et diplomatie parallèle ». La stratégie annoncée repose sur un plan d’action alliant le volet gouvernemental et parallèle, qui vise des pays et des régions spécifiques comme l’Europe et l’Amérique latine, a-t-il relevé, avouant que dans le cadre de cette stratégie, « une attention particulière est accordée à des questions claires tels les droits de l’Homme, notamment à travers un travail de suivi assuré par des commissions spécialisées ». L’objectif est de riposter à l’offensive politique et diplomatique des Sahraouis. En octobre prochain, le Conseil de sécurité fera une première évaluation de l’envoyé spécial Christopher Ross et de sa démarche basée sur des consultations bilatérales et des navettes diplomatiques. Cependant, le rendez-vous important sera celui de la réunion du Conseil de sécurité en avril 2015.
Si aucun progrès n’était réalisé d’ici là, a prévenu le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, les membres du Conseil de sécurité devraient alors procéder à une « révision totale » du cadre du processus des négociations entre le Front Polisario et le Maroc.
Selon le représentant sahraoui à l’ONU, Ahmed Boukhari, qui s’exprimait en avril dernier, cela signifierait que « le chef de l’ONU ferait assumer au Conseil de sécurité une lourde responsabilité, et ce, soit pour aller de l’avant et résoudre définitivement le dossier sahraoui, dernier cas de colonialisme en Afrique, soit jeter l’éponge et ouvrir, par conséquent, les portes à l’inconnu dans une région qui a besoin de paix, de stabilité et de certitude pour son avenir ».
Cela voudrait dire surtout que le cadre des négociations établi depuis 2007 – qui comprend aussi le plan marocain d’une autonomie contrôlée par Rabat- tombera à l’eau.
Reporters.dz, 12/07/2014
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