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Opération Serval au Mali: une campagne sans objectifs précis

Comme prévu, le lancement de l’opération Serval au Mali, officiellement à la demande des autorités de Bamako (encore faut-il savoir lesquelles? puisque il en existe plusieurs en rivalité) ne se heurte pas à de grandes difficultés. Même si paradoxalement au premier jour des opérations militaires, et contre toute attente, l’armée française a enregistré des pertes alors qu’elle n’en a essuyé aucune ou presque en Libye. Au même moment, un commando français lourdement soutenu par la marine échouait à libérer un agent de la DGSE retenu depuis 2009 en Somalie. Cela a contraint la présidence française à recadrer à la baisse le niveau d’importance de cette Opex (opération extérieure) et à exclure tout lien entre celle-ci et le raid somalien.
La question d’une intervention militaire ne s’est jamais posée: la faiblesse de l’adversaire, l’absence d’un gouvernement central, l’anarchie sociale et la nature du terrain sont autant d’éléments incitant à intervenir militairement. C’est les règles du jeu.
Cependant, le problème de cette intervention, baptisé au nom d’un petit félin africain ayant la particularité d’uriner trente fois par heure pour marquer son territoire, est l’absence d’objectifs précis dont l’accomplissement pourrait servir de critère à la réussite des opérations. Guerroyer contre des groupes armés ayant une très faible coordination et ne pouvant tenir sur une ligne de front est assez aisé. Mais qui est l’ennemi: le groupe Ançar Eddine, composé essentiellement de touaregs Ifoghas? l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) qui regroupe des transfuges et des volontaires issus de plusieurs pays ou encore le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique Occidentale) dont on ne connaît presque rien? Rien n’est moins sûr tant que les raids aériens ciblent un groupe particulier en épargnant d’autres.
Indubitablement, cette crise malienne est marqué par le sceau du malentendu depuis le début. Pour le capitaine Sanogo, le fondé de pouvoir à Kati et qui détient le pouvoir réel à Bamako, cette opération servira à combattre les indépendantistes Azawad. Les français auront beau pourchasser des terroristes islamistes comme ils l’entendent si cela sert leurs intérêts stratégiques et énergétiques , Sanogo n’en est pas moins focalisé sur une guerre et pourquoi pas un nettoyage ethnique dans le plus pur style africain.
En deçà des enjeux stratégiques évidents derrière cette campagne africaine de Paris, visant à sécuriser en premier lieu les gisements d’uranium du Nord-Niger et d’asseoir l’influence française dans ce pays enclavé du Sahel avec lequel la France a toujours entretenu une relation plus qu’étroite, la Mauritanie est l’un des rares pays de la sous-région à être consciente de la problématique ethnique du conflit. Nouakchott a fermé l’accès de l’aérodrome de Néma à la petite coalition françafricaine tout en continuant de lui fournir une assistance dans le renseignement.
Autre malentendu: la plupart des médias utilisent et répètent les termes « djihadistes » à propos des groupes armés du Nord Mali. Or, la France et les Etats-Unis d’Amérique combattent au Mali des groupes plus ethnocentrés que religieux. L’obédience salafiste du groupe Touareg Ançar Eddine est un fait inexplicable dans cette communauté sans l’apport financier de certains pays du Golfe arabo-persique. Demeurent l’AQMI, une organisation en guerre contre le gouvernement algérien depuis une décennie et le Mujao, qui lui emboîte le pas. Ces deux organisation regroupent divers éléments hétérogènes et mal équipés jusqu’à la guerre de Libye qui leur a ouvert les arsenaux de l’armée libyenne. Les deux hélicoptères français abattus au Mali l’ont été avec des armes libyennes maniés par des éléments non maliens.
Dernier point, la restauration symbolique de la « souveraineté » de l’Etat malien sur l’Azawad est tactiquement acquise pour l’armée française. Stratégiquement c’est une autre histoire. L’opération Serval ne pourra jamais éliminer l’ensemble des organisation armées ou islamistes activant au Sahel.
L’opération Serval c’est aussi l’appui logistique américain, assez remarquable dans son efficacité: l’interruption d’Internet et la suspension des réseau de téléphonie par satellite sur le théâtre d’opérations. Les satellites US au dessus du Sahel fournissent également des informations de choix pour l’acquisition de cibles fuyantes dans ce genre de terrain.
L’offensive franco-malienne est partie de Sévaré vers Mopti. De là elle a visé Konna puis Douentza. Les raids aériens français se concentrent d’ailleurs sur cette localité stratégique tenue par le MUJAO car sa chute ouvrira grand le chemin du Nord. Des raids aériens ont également ciblé Tombouctou et d’autres localités près de Gao et Menaka. Encore une fois, il sera aisé de revenir au statu quo ante bellum, c’est à dire rétablir une autorité symbolique de l’Etat malien au Nord (comme il en a toujours été depuis 1960) mais la vraie question qui se pose, quel impact aura cette intervention sur le devenir commun des maliens? N’y a t-il pas risque d’une quelconque déchirure?
Sur le plan diplomatique, l’ensemble des pays de la sous-région soutient cette intervention dont le but officiel est une sorte de petite guerre au terrorisme. Le grand voisin du Nord, l’Algérie, soutient également l’activisme français au Mali même si c’est un secret de polichinelle qu’Alger a été mise en échec et mat sur ce dossier depuis le début. Il est vrai qu’à Alger, on n’a jamais aimé les jeux d’échecs. Très peu de voix en Algérie se sont déclarés favorables à une intervention de leur pays au Mali et la politique officielle de ce pays a été de suivre la voix politique vers un dialogue inter-malien inexistant.
La seule réprobation est venue de Moscou qui a tenu à rendre la pareille à Paris sur l’affaire syrienne: la Russie a jugé l’intervention française comme l’expression d’un atavisme colonial ancré dans la mentalité des classes dirigeantes françaises à fortiori quand il s’agit de l’Afrique subsaharienne…Cela dit, il existe une capitale en ce moment où l’on jubile: Damas. La France dont le bruit agace Al-Assad sera « Out » le moment suffisant pour établir des mécanismes politiques internes visant une sortie de crise.
STRATEGICA51, 13/1/2012
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